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Scénario : Cormac McCarthy
Avec : Michael Fassbender, Cameron Diaz, Javier Bardem, Penelope Cruz, Brad Pitt, John Leguizamo
Distribué par 20th Century Fox - 111 mn - Sortie le 13 Novembre 2013 - Note : 6/10
Une affiche pareille, ça ne laisse pas indifférent, ça intrigue, ça génère un buzz, ça donne envie, et l’impatience grandit... Bon, tout le monde n’aime pas Ridley Scott. Personnellement, à part « 1492 », ça va du sympathique (« Une grande année ») au chef-d’œuvre ou presque (« Blade Runner » bien sûr, mais aussi « Alien », « Gladiator », « American gangster », « Promotheus ») en passant par des favoris qu’on est seuls à adorer (« Lame de fond », « Kingdom of heaven », « Traquée », ...)avec les plaisirs coupables (« GI Jane », hé oui...). Au milieu de tout ça, le reste, très, très convenable voir bon. Maintenant, écrit par Cormac McCarthy, donc une légende, à qui on doit « No country for old men » dont les frères Coen firent le film avec le résultat que l’on sait, et « La route », magnifiquement adapté par John Hillcoat, n’en déplaise à certains. Et ce casting d’enfer, limite irréel. Et à l’arrivée, comment dire, au vu du sujet, il était légitime qu’on pouvait s’attendre à une date dans le genre du narco-thriller violent et sans concessions. Ce n’est pas vraiment ça...
Un avocat, amoureux fou, s’endette pour offrir à l’élue de son cœur les plus beaux présents qui soient. Flirtant avec le milieu des trafiquants de drogue, il accepte une proposition qui selon lui, le sortira définitivement pour les années à venir de tout ennui financier. Rien ne se passe comme prévu, car il n’est qu’un petit avocat évoluant au milieu d’individus n’ayant aucune morale, aucun scrupules, qui tuent comme si cela était la plus naturelle des choses quand les ennuis surgissent, et qui tuent de façon impitoyable, douloureuse et souvent plus que barbare pour bien montrer qui tient les rênes du pouvoir. Plongeant dans ces abymes d’un univers qu’il ne soupçonnait pas aussi dangereux et mortel, l’avocat va servir de menu fretin pour appâter de plus gros poissons qui à leur tour vont se faire dévorer par un véritable Leviathan du mal.
L’avocat, c’est Fassbender, et on ne saura jamais son nom, à l’instar de Daniel Craig dans « Layer cake » sauf que là, c’était la surprise, alors qu’ici, c’est un tantinet agaçant. Mais ceci n’est qu’un détail, un parmi d’autres qui font que « Cartel » n’est pas le grand thriller qu’on attendait. C’est simplement Cormac McCarthy qui s’est fait plaisir à écrire de superbes tirades, c’est vrai, mais qui sur le papier, peuvent subjuguer, et annihiler toute force une fois à l’écran tant les mots, les répliques, les idées prennent le pas sur le cinéma, tout simplement. Un des dialogues finaux, entre Fassbender et un autre avocat de la pègre, s’avère justement très révélateur de ce pêché d’orgueil où l’écrivain diserte à tour de bras sur de grands sujets philosophiques tels que le Bien et le Mal, le pouvoir, l’innocence, l’amour, l’immoralité, etc... Au travers de tout un tas de personnages qui dans la réalité, s’enquiquineraient moins verbalement - au vu de leurs activités - pour passer à l’acte, et trucider ou torturer ou jouer avec les amateurs. Tout avocat qu’il est « l’avocat » n’en demeure pas moins un pion sacrifiable sur l’échiquier de vie et de mort de tous ceux qui dominent cet univers. Si la dernière partie plonge enfin dans l’action et la violence, le reste s’avère plus souvent verbeux que passionnant. Maintenant, « Cartel » méritera peut-être une nouvelle chance lors de sa sortie vidéo, une fois la déception passée, car malgré tout, certaines scènes s’avèrent, avec le recul, assez puissantes. Et surtout, il y a Cameron Diaz comme on ne l’a jamais vu, véritable impératrice du Mal, une « peau » qu’elle endosse avec une aisance inédite au point qu’elle domine le film comme elle domine ce monde criminel. A travers elle, Ridley Scott révèle le meilleur de son talent dans « Cartel ». Pour le reste, Sir Ridley ne réitère pas la réussite d’un « American Gangster » vu sous un autre angle. Il laisse cependant - et comme souvent, même dans les moins bons de ses films - quelques plans somptueux qui, conjugués à cette richesse d’écriture, donne le meilleur d’un film un peu hors-normes dans le paysage actuel, loin d’être parfait, et paradoxalement, parfois simplement... Fascinant.
Stéphane THIELLEMENT
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