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Sommaire - Interviews - Vincent Villeminot (RESEAU(X)) | |
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"Vincent Villeminot (RESEAU(X))" de Damien DhondtAPRÈS LA TRILOGIE « INSTINCT » CONSACREE AUX MÉTAMORPHES VOICI « RÉSEAU(X) » CONSACREE AUX RESEAUX SOCIAUX DU FUTUR PROCHE (Voir la chronique de ce livre dans sfmag No 83) Comment êtes-vous venu à l’écriture ?J’ai travaillé au Caire pendant deux ans et ensuite je suis devenu journaliste de rues où j’ai traité en reporter de la grande exclusion, de la pauvreté, la drogue, la prison etc. Quel est l’âge des différents lecteurs ?Il était possible de lire « Instinct » dès 11 ans. Pour « Réseau(x) » les lecteurs sont un peu plus vieux puisque cela tourne sur les réseaux sociaux. Officiellement on a le droit d’ouvrir une page Facebook dès 13 ans. Je l’ai mis dans les mains de mes gamins qui ont 15 & 17 ans et cela s’est bien passé avec eux. D’où est venue l’idée de base à l’origine de Réseau(X) ?Le déclencheur c’est qu’on m’a créé une page Facebook à mon insu et que j’ai trouvé cela très romanesque. Lorsque la série précédente a bien marché une dame dans un salon m’a demandé très aimablement si je voulais avoir une page Wikipédia. J’ai accepté, mais ce que j’ignorais c’est qu’il existait un accord entre Wikipédia et la société Facebook. Si la notice d’une personnalité vivante n’avait pas une page Facebook, on en générait une automatiquement. Je me suis retrouvé avec une page à mon nom avec ma photo, avec des gens qui déclaraient qu’ils étaient mes amis, sauf que moi j’ignorais que j’avais cette page et je l’ai découverte un peu par hasard. Du coup j’ai trouvé cela très intéressant et j’ai commencé à me pencher sur l’univers des réseaux sociaux avec l’idée de chercher des histoires et rapidement en créant une page sous pseudo, sous avatar et en allant trainer dans certains endroits je me suis rendu compte qu’il y avait pas mal d’histoires à raconter. Un autre aspect du roman concerne les troubles sociaux à l’échelle de l’Europe.J’ai pris exemple de ce qui s‘est produit au Québec lorsque des étudiants se sont mis en grève par rapport aux frais d’inscription à l’université. Cela va se produire chez nous. Les frais d’université montent dans toute l’Europe. En me plaçant dans un futur proche de trois ou quatre ans j’ai imaginé que cela allait être un contexte assez général. Dans ce contexte politique un peu tendu se produit un attentat contre des policiers. Il semble extrêmement tentant d’attribuer à des jeunes gens qui font partie de la coordination de grévistes. Un cauchemar posté sur le réseau décrivait précisément l’attentat et ce cauchemar avait été posté par un jeune homme qui fait partie d’une coordination ou qui a des liens avec une coordination. Donc tout laisse à penser que la coordination est l’auteur de l’attentat et on va suivre l’enquête en parallèle avec l’intrigue de Sixie et avec d’autres intrigues. Cette histoire est européenne, mais on observe principalement des liens avec l’Italie.Les liens avec l’Italie reposent avant tout sur des références à un penseur italien nommé Francesco Gramsci. Selon lui la bataille est avant tout culturelle. Il existe aussi des références par rapport aux évènements qui ont eu lieu à Gènes au moment au moment d’une réunion du G8. J’avais envie que l’un des cœurs de la subversion soit en Italie ce qui me parait réaliste vu la nature de certains mouvements politiques qui existent là-bas, mais aussi d’un point de vue purement romanesque pour faire référence à une époque que j’aime bien du cinéma italien très politique des années 70-80. Dans « Réseau(x) » les réseaux sociaux sont source d’information, mais surtout de nuisance.L’histoire d’Alice qui se retrouve ses photos dénudées dans les réseaux sociaux est intéressante. Au Canada ils viennent de passer une loi pour l’interdire dans la mesure où la personne était consentante pour faire ce genre de cliché amoureux. Pourquoi ne pas les poster ensuite ? Après-tout les clichés appartiennent à celui qui les a pris et dans la mesure où l’autre était consentante. Il a fallu mettre une loi qui que je sache n’existe pas en France. En France un policier qui se livrait à différentes pratiques et qui s’était filmé vient d’être déchu de son poste de policier, en tout cas il est suspendu pour le moment, car cela ne se fait pas dans la police de poster sur des réseaux sociaux... là encore il y a plein de questions qui sont posées. Aujourd’hui un adolescent qui va sur les réseaux sociaux a une chance infime d’arriver à une première rencontre amoureuse sans avoir consommé de pornographie. Cela change radicalement la nature des rapports amoureux. Je pense qu’il faut réfléchir à cela et y réfléchir avec les lecteurs. Les réseaux sociaux sont devenus à la fois un outil de discrétion et en même temps de surveillance. Je suis frappé par le nombre de parents qui vont régulièrement voir sur la page Facebook de leurs enfants ce qui s’y passe, sans parler de surveillance de la société, des révélations d’Edward Snowden etc. Justine utilise les réseaux sociaux parce qu’elle est de son époque. Elle sait que son père est chargé par la police de surveiller les réseaux sociaux. Elle sait donc qu’il y a de fortes chances que son père vienne surveiller sa page. Puisqu’elle est séparée de son père elle va s’adresser à lui via cette page en lui laissant des messages sans lui dire que c’est adressé à lui. Mais elle va lui donner des nouvelles d’elle par le biais de cette surveillance. On arrive à des scènes un peu étranges comme cela où des parents découvrent sur la page Facebook de leur enfant quelque chose qu’ils ignoraient de lui, de ses amis. L’enfant a posté cela sur sa page précisément pour que ses parents soient au courant. Moi je connais un jeune homme qui était en immense difficulté de faire un « coming out ». Ses parents ont compris, mais il a fallu passer par le réseau social. C’est un élément de plus dans les relations. C’est un élément qui est à la fois riche et piégé. L’évocation des méthodes d’investigations policières n’est guère flatteuse pour les représentants de l’ordre.Je voulais que les policiers, puisque après tout c’était des personnages de roman, aient leur chance comme les autres Je n’apprécie pas les romans où on voit clairement que les auteurs n’aiment pas certains de leurs personnages y compris des personnages qui n’ont pas forcément le meilleur rôle dans le roman. Je veux qu’ils soient humains, qu’ils aient des raisons et éventuellement de bonnes raisons de leur point de vue d’agir comme ils le font. Je trouve que je dois à chaque personnage d’aller dans son intimité et qu’on le comprenne aussi. Après il n’y a pas avec Fanelli et Kowacs un discours général politique sur la police à travers ces deux personnages. Pourquoi le périple se déroule-t-il à l’échelle européenne ?Rome, Lisbonne, Barcelone,...parce que les réseaux c’est internationaux. Je voulais quelque chose d’international pour un roman européen. J’ai commencé à Bruxelles. Cela m’amusait, j’y voyais une certaine logique. Le réseau n’a pas de frontière, or la police et les gouvernements en ont. Un discours international peut devenir subversif dans chaque pays, ne serait-ce que parce que lui n’a pas de frontière, alors que les réalités quotidiennes en ont. Il existe un mouvement européen contre la hausse des droits d’inscription à l’université alors que le prix des inscriptions à l’Université dépend de chaque État, voire maintenant de chaque université. Et c‘est ce paradoxe qui fait qu’il existe un mouvement des Indignés qui va d’un pays à l’autre alors que les réponses sont de plus en plus autonomes. Aujourd’hui une université est autonome pour fixer ses droits d’inscription et pour autant les mouvements de protestation s’élargissent à toute l’Europe. Ce décalage permanent entre l’un et l’autre je le trouve intéressant parce qu’à chaque fois les questions et les réponses n’étaient pas posées au bon endroit. Comment traitez-vous de la littérature pour adolescents ?Cela m’oblige à être plus attentif. Par exemple le roman « Fight club » relate l’histoire d’un homme fasciné par un autre homme Tyler Durden. Lorsque dans le film il entre en scène il est fascinant. C’est l’histoire d’une fascination. César Dias est quelqu’un de fascinant, d’ambigu. Il est brillant. J’aurais pu écrire un roman qui soit le roman de César Dias, simplement je me dois de donner aux ados qui me lisent des éléments, d’autres regards sur César Dias qui vont permettre de nuancer le portrait, des contrepoints, des questions et cela je le dois aux ados, parce que c’est facile d’être fasciné. Si je vous parle, j’espère ne pas être trop ennuyeux. Mais si tout à coup je sors un révolver et je le pointe sur votre tempe tout le monde va suivre. Le spectacle de la violence est toujours plus fascinant que le discours sur la violence et si je veux être dans cette surenchère là c’est relativement facile. Mais on ne peut pas se permettre complètement cette facilité quand on s’adresse à des ados. Les ados évoluent dans un univers culturel hyper violent sur lequel l’univers culturel n’a pas de réflexion sur sa propre violence. Dans un jeu vidéo vous arrivez à un niveau de plateau si vous dézinguez 80 zombies. Vous arrivez au niveau du dessus et vous n’avez pas changé. Or dans la réalité si vous flinguez 80 créatures, soit vous avez un syndrome de stress posttraumatique comme l’ont la plupart des soldats qui reviennent d’opérations, soit vous êtes devenu un psychopathe. Mais le personnage dans le jeu vidéo ne change pas. Mes personnages parce que j’ai le temps de le raconter leur psychologie évoluent en fonction de ce qu’ils ont vécu. Ce que je donne lire à mes lecteurs c’est le changement de ces gens- là en fonction de ce qu’ils font, de ce que d’autres leur font. Ce sont des réactions à des choses extérieures qui provoquent la transformation de personnage qui sont des êtres humains et pas des machines guerrières. Je trouve que c’est important de parler de la violence parce qu’on est dans une société violente et parce que l’univers culturel est hyper violent. Je trouve cela intéressant de le faire. J’espère l’avoir fait de façon un peu responsable. Je me demande quel est l’impact de cela ? Certaines fois j’ai été moi-même fasciné par certains de mes personnages. J’ai trouvé tellement cool que c’est mon éditrice qui me dit de faire attention à cette fascination. Une scène d’action est toujours sympathique à décrire. Quand elle marche bien on est content, mais elle a une fonction pour faire avancer le récit. Elle a un impact et donc cela doit être réfléchi. Le réseau est-il au pluriel ?Le (x) est une coquetterie au départ, mais cela a du sens quand même. On parle d’un réseau social et en même temps on parle de tas de gens qui sont en réseau les uns avec autres, via le réseau social. Il existe tout un tas d’autres réseaux et le roman lui-même se veut un réseau. Cela veut dire qu’il est écrit de façon réticulaire sous la forme d’un réseau. On suit à la même heure, le même jour la destinée de plusieurs personnages et on se rend compte que petit à petit ces univers se rejoignent ou s’éloignent. Je voulais que cette arborescence soit dans l’écriture, dans l’histoire et que petit à petit elles se dévoilent. Il y a un réseau qui est le « DreamKatcherBook », il y a le réseau qui est le bouquin « Réseau(x) et puis il y a les réseaux de chacun. On se trouve effectivement dans un livre qui est écrit de façon plurielle et qui j’espère est un peu singulier. Les univers spécifiques peuvent-ils être adaptés ?« Instinct » est un roman que beaucoup de personnes perçoivent comme très cinématographique et pourtant la scène d’ouverture du premier tome d’Instinct relate toute la prise de conscience de ce qui est en train de se passer par le personnage. Or elle repose exclusivement sur l’odorat et c’est un sens qui n’est pas cinématographique. J’aime bien que le lecteur ait l’impression de voir ce qui se passe. Est-ce que cela fait des bons films ? Je ne maîtrise pas du tout l’écriture des scénarios. Je suis un écrivain de dialogue. J’aimerais beaucoup travailler sur une adaptation d’un de mes romans, mais pour l’instant il n’en est pas question. Pour en revenir à « Instinct » pouvez-vous nous parler du film « Ghost Dog La voie du samouraï » et de son influence sur l’équilibre psychique des homards ?« Ghost Dog » a beaucoup d’influence, surtout le tome 2. Comme il a une grande importance pour mon personnage j’ai revu le film et j’ai constaté qu’il y avait une scène _ dont je ne me souvenais pas du tout _ où des chasseurs d’ours croisaient Ghost Dog. Cette coïncidence m’a intéressé puisque le personnage principal d’Instinct se transforme en ours. C’est un hasard qui ne doit rien d’autre qu’à une chouette coïncidence, mais qui me fait plaisir parce que c’est un hasard imprévu qui semble dire qu’on est dans la bonne direction et quand on écrit un bouquin on a besoin de petits signes comme ça. Ensuite le personnage de Shariff (qui se transforme en homard) devient samouraï dans le tome 2 d’Instinct parce qu’il me semble qu’un jeune homme empêché physiquement comme il l’est par le handicap dont il souffre va chercher à la fois dans l’action, et éventuellement dans la violence, mais aussi dans la sagesse quelque chose qui puisse le réconcilier avec l’existence : en l’occurrence la voie du samouraï. Ce qui m’intéressait dans « Ghost Dog » c’était les extraits de « La voie du samouraï » qu’on entend régulièrement et qui scandent le film. Ensuite le samouraï à capuche m’amuse beaucoup. C’est un mélange de choses extrêmement anciennes et de choses purement contemporaines. On trouve un peu parfois la même chose dans « Réseau(x) », un mélange d’une esthétique très ancienne, d’une morale très ancienne et d’un univers purement contemporain. Je trouve que ce mariage-là marche bien. Dans « Réseau(x) » vous oscillez entre fantastique et explication rationnelle, avec l’hypothèse de rêve prémonitoire.Les rêves prémonitoires sont un phénomène dont la réalité est discutée par certains scientifiques, dont la réalité est acceptée par d’autres, mais pour lequel il n’y a pas d’explication. Il semblerait d’après certains psychiatres qu’on puisse parfois dire que cela se produit, mais sans avoir d’explication satisfaisante autre que le hasard et moi je crois au hasard. Mais est-ce qu’il y a des explications rationnelles aux rêves prémonitoires de Sixie ? Je ne sais pas. Mais une chose est certaine : certaines prémonitions n’en sont pas, parce que d’autres jouent avec ses rêves et cela est avéré. La série « Réseau(x) » doit comprendre combien de tomes ?2 tomes. Je me suis donné une limite d’énergie personnelle. Chaque tome de « Réseau(x) » me prend un an, sachant que j’écris à temps plein. Donc je vais passer deux ans de ma vie avec ces personnages. « Instinct » a eu trois tomes parce que chaque tome me prenait moins de temps à écrire et puis j’aime bien qu’une histoire se termine sans forcément tirer tout ce qu’on aurait pu tirer de l’histoire, pour laisser chaque lecteur inventer éventuellement des suites et puis garder les quelques personnages vivants qui restent à la fin, leur garder la possibilité de destinées individuelles. J’aurais éventuellement pu rédiger un 4° tome, mais cela aurait peut-être été le roman de trop. Je préfère m’abstenir et laisser éventuellement une légère frustration plutôt que un ras-le-bol. Le 2° tome de « Réseau(x) sort dans un an.
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