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Sommaire - Interviews - Olivier Megaton "TAKEN 3" | |
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"Olivier Megaton "TAKEN 3"" de Andrée Cormier / Marc SessegoC’est avec la plus grande gentillesse qu’Olivier Mégaton nous reçoit dans un café parisien pour une interview à cœur ouvert et sans aucune langue de bois. Pourquoi « Taken 3 »... Les difficultés... l’ajout du grand Forest Whitaker ainsi que son fort agacement vis-à-vis d’un système français qui le ronge... Olivier se livre donc sans fard dans cette passionnante interview. SFMAG : Comment s’est fait le passage sur « Taken 3 » ? Immédiatement après le tabac du « 2 » ?OM : Non pas du tout, ce qui est très bizarre c’est qu’à la fin du numéro 2 on en avait déjà parlé avec Liam, nous étions en promo ; on a eu un mois et demi de promo ensemble, puis nous nous sommes dit qu’il n’était pas possible de faire un 3 et ça a été définitivement enterré... SFMAG : On n’aime pas le succès en France...OM : On déteste le succès : genre « ça ne peut pas marcher », « c’est suspicieux », « Pourquoi et comment il y est arrivé ? » La réponse c’est juste qu’on bosse quoi ! « Vous avez de la chance ! »... Non, je suis désolé, ce n’est pas de la chance c’est du travail. J’ai beaucoup de problèmes tous les jours, je me couche en les oubliant et lorsque je me réveille le lendemain ils ont disparu et je recommence. J’ai cette capacité et ça c’est une chance mais le reste ce n’est pas de la chance c’est du travail, uniquement du travail. C’est pour ça qu’effectivement faire une suite, je ne sais pas, j’ai peut-être envie de faire un truc un peu plus personnel, et puis je me suis dit les gens ont envie de voir ce film, ils ont envie de voir Liam, Bryan Mills et toute cette famille, l’histoire est intéressante, je vais pouvoir m’éclater, je tourne aux Etats unis que je commence à connaître plutôt bien, bonne expérience pour moi et mon équipe -car il faut savoir que j’ai emmené toute mon équipe-, c’est un cas unique et à la sortie on fait un énorme carton planétaire, on ne va pas en plus s’excuser. SFMAG : Comment renouvelez-vous votre mise en scène pour ne pas nous resservir la même sauce ? OM : J’évolue comme tout le monde et je regarde plein de choses. Je bouffe de la série, comme une machine, j’adore lire, j’adore la photographie, l’architecture, j’ai une mémoire photographique donc j’ai la chance de me rappeler énormément de choses, tout ça fait que je me retrouve avec un creuset de créations qui fait que je change à chaque suite. Moi j’ai envie de faire quelque chose, mon équipe aussi, on veut être les premiers spectateurs de ce que l’on fait, on adore découvrir, s’étonner, s’émerveiller, c’est ça qui est intéressant, c’est du cinéma. Quand on veut c’est suffisamment compliqué pour qu’on le rende simple. Faut arrêter de se mentir, on fait des choses qui sont dures à faire donc il faut rendre les choses simples en terme de pensée. Il faut faire les choses pour les bonnes raisons. SFMAG : Luc vous laisse-t-il la liberté artistique ? OM : J’ai la chance d’avoir le contrôle à plus de 100%. On se connaît depuis longtemps, plus de 20 ans... 23 ans je crois. On a le même caractère, on peut être colérique, aussi dur quand on n’est pas satisfait de quelque chose, et de ce fait, il m’a toujours respecté de cette façon-là. Depuis qu’on travaille ensemble il m’a toujours laissé libre du début à la fin, et il est mon premier spectateur. Quand j’ai fini le montage je l’appelle, parce qu’il ne veut pas se mêler, étant lui-même metteur en scène. Quand il m’a connu, j’étais déjà réalisateur, il a choisi qu’on travaille ensemble, pendant un certain nombre d’années parce qu’il me faisait confiance. Sa logique est super simple : « Tu fais ça mieux que je ne le ferai donc je vais pas t’expliquer comment je l’aurais fait ! » Chacun fait ses films, il me laisse faire, il est producteur et j’ai une marge de manœuvre énorme. Après il y a les budgets... des budgets pas énormes, on est très serré mais on y arrive, et c’est pour ça qu’on arrive à faire ce que l’on fait. Si on y arrive c’est parce qu’on est français, on a ce côté artisanal ultra créatif, et l’on ne travaille pas dans une autre logique. Il me donne le script, on en parle, il m’appelle de temps en temps ou, quand j’ai un vrai souci, c’est moi qui l’appelle, mais il ne vient pas sur le plateau, parce qu’il sait... il a une énorme carrière en tant que metteur en scène, moi j’ai mon équipe et il ne veut pas me mettre dans une situation où on aurait une crise : il n’y en a pas besoin car tout se passe bien. SFMAG : C’est Luc qui écrit le scénario ?OM : Avec Robert Mark Kamen oui SFMAG : Et il a été modifié ou gardé dans sa version originale ?OM : Modifié, on a passé notre temps à le modifier, parce qu’il y a trois histoires qui s’imbriquent, il y a eu pas mal de problèmes de continuité, les décors n’étaient pas pensés comme ça. Lorsque j’arrive dans la réalité ça ne se passe pas comme ça, les scènes d’action sont différentes parce que les décors nous dictent autre chose, il y a une espèce de squelette, une ossature, une émotion, et on rajoute des choses. Le fameux coup de fil qu’on a dans « Taken 3 » n’était pas écrit à l’origine, parce qu’il n’y avait pas de raison. On a transformé et moi j’ai eu cette idée d’en faire un : le premier témoignage, c’est qu’il appelle sa fille pour lui dire que son ex-femme est morte, on a déplacé le sens de ce coup de fil mais il était important dans le film. On crée les choses, on évolue, le script a été écrit il y a presque deux ans, on a tourné le film il y a un peu moins d’un an, en un an les choses ont énormément évolué. C’est normal, vous écrivez quelque chose, vous relisez, et après vous re-relisez et c’est le doute, c’est l’homme, on est comme ça. Le cinéma n’échappe pas à ça, on a la chance de pouvoir encore travailler comme ça, on est moins, disons le, surveillé que les Américains qui ont une tendance à être sur le script ligne après ligne, virgule après virgule. Nous on n’a pas cette problématique donc on est un peu plus libre et cela nous permet de retravailler, d’approfondir les choses avec les comédiens ; de travailler aussi, de partager, c’est ce qu’on appelle la « french touch » (la touche française, ndlr). Ils adorent ça, ce côté qu’on a de transformer les choses, d’interpréter, ils sont trop bons élèves. SFMAG : Le plus gros challenge du film ?OM : Je dirai l’autoroute, en terme de complexité. Toute la scène de l’autoroute ! On devait tourner à Los Angeles et quand je suis arrivé le directeur de production voulait tourner en Argentine, je lui ai demandé pourquoi l’Argentine, en dehors du fait que ça vaut moins cher ; le vrai challenge c’était de faire rentrer un tournage qui coûte très cher dans l’enveloppe que l’on avait. Tourner à Los Angeles vaut trois fois plus cher qu’en France, donc si on est à L.A. c’est pour tourner les choses importantes... les choses capitales ; puis, on tourne à Atlanta celles qui sont moins importantes mais c’est encore les Etats-Unis. Il était évident qu’on ne pouvait pas sortir des Etats-Unis pour faire beaucoup de choses, car il aurait fallu ramener tous les véhicules, tout ce qui fait que les Etats-Unis sont les Etats Unis : il était hors de question d’aller ailleurs. La scène de l’avion a été faite en Espagne parce qu’il n’y a pas de référence, elle pouvait donc être tournée un peu n’importe où. Je pense que la scène de l’autoroute était la plus compliquée à faire de par sa complexité. SFMAG : La scène est vraiment très impressionnante...OM : C’est le but parce qu’aujourd’hui on oublie que si on fait ce genre de film c’est pour concurrencer, voire bousculer un peu le marché américain et leur montrer qu’on est capable de faire ça. Moi mon plus gros problème dans le cinéma français c’est qu’on s’excuse de faire des films : « excusez-moi, je vais faire un gros film, c’est un film d’action, je sais je ne devrais pas ! » Il faut arrêter avec ça, on a les capacités, les équipes, le mental, on arrive à avoir le financement, on le fait à notre façon et c’est aussi beau et, tout comme faire un film d’Audiard, ça peut tout autant exister. Et le cinéma français a ce côté un peu bloqué dans une conception. Le meilleur moyen de préserver le cinéma français est que nous soyons offensifs sur tous les marchés, notamment sur le marché américain, et ça c’est un truc que j’ai du mal à faire rentrer dans la tête des « purs et durs » du cinéma français. 70% de la communauté professionnelle du cinéma français pense que les films français doivent être tournés en français et même dans Paris, et ce n’est plus ça aujourd’hui... SFMAG : On dit film français égale film « intello »OM : Ca peut être un comique, ça peut-être un thriller, c’est vaste... il y a plein de choses qui font qu’on a cette capacité... Pourquoi y aurait-il plus de panache à faire un film qui se passe dans une cuisine ? J’adore pas mal de petits cinéastes français mais a un moment je ne veux pas être jugé sur ce que je fais ça devient pénible. SFMAG : Quand on dit que nous attendons votre prochain film...OM : (Plaisantant) « Qu’as tu dit là ? » quand je vois certains médias et un notamment qui me harcèle (ça devient systématique) et qu’on reconnaît qui c’est... L‘anonymat du Net est en plus très facile, on peut dire tout et n’importe quoi (et aujourd’hui ils ont tous ce super pouvoir) mais ils sont quoi à la sortie ? Quelques geeks qui rêvent de faire des dîners avec des comédiennes ? C’est vraiment ça leur réalité ? Moi c’est mon métier, c’est un métier, un vrai métier ! Et je me bats tous les jours pour ce métier. Je n’ai pas de problème d’attitude, de statut. Mon statut je m’en fiche, ce n’est pas ça mon problème mais tant qu’il y aura cette espèce de pseudo monarchie intellectuelle avec un certain nombre de journalistes... SFMAG : Hier à la séance il y avait beaucoup de jeunes...OM : Ils réagissent ! Les gens adorent ! On se plaint toujours que notre cinéma soit mou, aux Etats-Unis les gens sont debout au bout de cinq minutes... ils participent ! Ici nous avons cette possibilité là avec la nouvelle génération. SFMAG : La copie en salle est-ce votre montage ?OM : Non, on a coupé très peu de choses. On a une « unrated » (non censurée, ndlr) pour la sortie vidéo américaine. Pour la MPAA on a dû couper certaines choses pour avoir le PG 13, il fallait enlever du sang et des choses comme ça. En vidéo ils veulent des films un peu plus longs. SFMAG : Et la venue de Forest Whitaker ?OM : Forest a été une belle expérience. Dans le premier script le flic était beaucoup moins défini, mais déjà une âme un peu particulière. J’adore GHOST DOG, Forest est sublime dedans... je suis allé voir mon producteur en lui disant « écoute, j’ai eu une idée, je sais que c’est beaucoup, on n’est pas un studio, mais j’ai pensé à Forest. » Et il m’a dit « tu n’as pas pu mieux penser car j’ai la même idée que toi. » Il a tout de suite joué le jeu, il a voulu le faire... Après, on se retrouve devant un « Academy Award », un monument, un mec adorable, gentil et le travail se fait comme avec Liam : on travaille, on relit et on construit le personnage. SFMAG : Maintenant voulez-vous changer de registre ?OM : On a un projet qui s’appelle « French Doctors ». C’est sur la création de « Médecins sans Frontières », super beau projet, politique c’est beaucoup dire, c’est le Nigeria et le Biafra en 1968,69 et 70. Des médecins face à un massacre... on est très proche du quotidien et ce massacre aboutit à la décision de la Croix Rouge de rentrer... ils disent alors : « non, on ne peut pas rentrer. Si l’on n’est pas présent sur un génocide on n’est plus des êtres humains ! » C’est la manière dont s’est créé « Médecins sans Frontières », alors que le vieux système humanitaire était un peu trop englué dans la politique et qu’il fallait révolutionner tout ça. J’ai toujours été fasciné par cela. Quand j’étais jeune je voulais en faire partie mais je n’avais pas les qualifications requises. Andrée Cormier/Marc SessegoPropos recueillis par Andrée Cormier et Marc Sessego le 22 janvier 2015
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