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Avec Sharon Stone, Dennis Quaid, Stephen Dorff
Touchstone Vidéo
La gorge du Diable est sorti en salles l’an passé outre-Atlantique. Un accueil critique assez glacial, une carrière commerciale des plus moyennes, il n’en faut pas plus pour que le distributeur décide de le lancer directement en vidéo chez nous. Parfois, ça se comprend aisément ; dans le cas présent, sans être un monument du genre, c’est un peu injuste.
Parce qu’ils sont fatigués du quotidien éreintant de New-York, Cooper et Leah Tilson décident de migrer en campagne, pour le bien de leurs deux enfants. Cooper découvre une énorme demeure pour laquelle il a le coup de foudre. Progressivement, le manoir Cold Creek commence à revivre en même temps qu’il va livrer de terrifiants secrets du passé qu’amène avec lui l’ancien propriétaire.
Dit comme ça, La gorge du Diable peut très vite se cataloguer comme un film « déjà vu ». Sauf qu’en regardant bien, le scénario est plus subtil qu’il n’y paraît. En se servant du postulat de la maison aux lourds secrets et à son ambiance hantée, Mike Figgis démontre qu’une maison n’est rien d’autre qu’une maison, et que son atmosphère n’est due qu’à ses locataires. Certes, il y a des clichés du film d’épouvante avec les petits bruits, les ombres, les effets de surprise, mais tout cela n’est là que pour appuyer le fait qu’il n’y a rien de surnaturel, tout cela est bel et bien concret et cartésien. Par contre, oui, chaque individu possède sa part de secrets, sa haine enfouie, sa folie latente, sa violence prête à exploser. Dans le cas de Cooper Tilson (Dennis Quaid, très bon au contraire de Sharon Stone...), cette maison représente le ciment de sa vie, de son couple, de sa famille. Quelqu’un s’attaque à la maison, même l’ancien propriétaire, et c’est le viol, la déclaration de guerre. A partir de là, une fois accepté ce postulat, La gorge du Diable se révèle plus original qu’on ne le pensait de prime abord. Tout cela en plus avec une morale inquiétante (mais qui n’est pas pour autant une adhésion de la part du réalisateur) qui montre qu’on peut très vite redevenir primal dans ses actes quand on touche à ses biens matériels adoptés au final comme un membre de la famille ! De plus La gorge du Diable bénéficie de l’élégante réalisation d’un Mike Figgis dont a toujours plaisir à voir un film, même si on n’atteint pas le degré de réussite de ses premières œuvres comme Stormy Monday, Affaires privées, ou Liebestraum auquel La gorge du Diable fait référence lors de la scène de la visite à l’hôpital, véritable antichambre de la mort. Dans les bonus, ce dernier confirme qu’il a pris sérieusement ce projet, détaillant le processus de la création d’un thriller selon sa conception, le tout très sincèrement et non très « promotionnel ». On découvrira aussi une fin alternative qui, pour une fois, n’est pas si ratée que ça au contraire : elle prolongeait bien l’esprit du film, de ce père de famille tranquille en apparence mais qui au fond est aussi psychologiquement dérangé que celui qui est responsable des lourds secrets du manoir Cold Creek.
Stéphane Thiellement
Note : film : 7/10 DVD : 7/10 Bonus (en vostf) : commentaire audio du réalisateur ; scènes coupées + fin alternative ; les règles du genre ; making-of : « le documentaire de Cooper ».
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