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Holdstock n’est plus vraiment à présenter en France pour qui connaît déjà sa Fantasy ethno-magique, cette Baroque-fantasy encrée en un topos qui va faire converger vers son centre magnétique l’ensemble des mythologies humaines et proto-humaines. Les Mythagos sont à considérer comme la pierre d’achoppement de ce vaste édifice narratif où le lieu fait office d’archétype, mieux, de condensateur fluidique de l’inconscient collectif. Ainsi, à la forêt primordiale des Mythagos fait écho la planète mère de Earthwind, les topos au final se substituant pour servir le cadre fictif. Earthwind s’ouvre sur un avant propos qui pourrait très bien être lu comme un poème Parmenidien du commencement des origines. Ainsi voit on a rebours la muse qui préside au magique, dans un monde où se sont perdus l’équipage d’un navire spatial. Nous sommes au troisième millénaire et le vaisseau du Capitaine Karl Gorstein atterrit pour accomplir une mission sur la planète forestière d’Aeran. Il est à la recherche des premières vagues de colons qui sont venus s’installer sur la planète il y a de cela des dizaines d’années, mais qui ont, par quelque prodige, disparus corps et âmes. Au lieu de ruines, de traces de batailles, d’aliens destructeurs et autres prédations possibles, l’équipe va être confronté à la plus bouleversante des découvertes. Ils vont se trouver face à une tribu révélant de remarquables ressemblances avec les tribus humaine des anciens Celtes. Qui plus est, leur adoration d’une déité, artefact symbolique, l’Earthwind, démontrera un système de croyance élaboré. Le temps va s’effriter, révélant tout un réservoir de possibles qui vont mettre cet équipage face aux archétypes les plus extraordinaires et les paradoxes les plus fous.
La reprise d’un des plus vieux poncifs de la Science- Fiction par Holdstock est fort heureuse et fonctionne parfaitement. Cette vieille trame de la sf des pulps parvient parfaitement à susciter l’intérêt et redonne de l’élan au genre, alors qu’on aurait pu redouter un affaissement. Karl Gorstein et le rationaliste Peter Ashka vont avec leurs hommes mener une enquête qui les entraînera au bout d’eux-même et dans l’oubli d’une autre vie. Encore une fois, nous avons un livre qui ne peut laisser indifférent tant il innove tout en restant fidèle à la tradition. Au bout du récit, le lecteur pourra s’interroger sur cette trame du topos comme reconducteur des mythes de notre mémoire culturelle, et se demander si, comme le voudrait l’axiome, nous retrouvons dans les choses ce que nous y apportons nous même, ou bien s’il n’existerait pas un reservoir commun et universel (une base de données immuables) de part lequel tous nos processus de croyances, et de savoirs proviendraient et vers lequel ils retourneraient, comme en un éternel mouvement de va et vient, éternel retour de nous-même et de ces "cognitions que nous sécrétons avec la vie qui nous a accouché ? ". Un nouveau jalon à rajouter à la forêt-univers des Mythagos avec laquelle cette planète possède de bien solides correspondances, origines ou accointances........
Earthwind, Robert Holdstock, traduit de l’anglais par Sandra Kazourian, Couverture de Marc Mosnier, 310 pages, 21 €.