|
Savage Pat Mills & Charlie Adlard
– Il a fallu cinq cents ans aux Anglais pour se débarrasser des Romains. Il a fallu huit cents ans aux Irlandais pour se débarrasser des Anglais. Il a fallu huit heures aux Volgans pour nous conquérir. Et il y a plus de pétrole en Mer du Nord qu’en Irak.
1962 : Stalingrad est rebaptisée Volgograd.
1989 : Formation du parti fasciste Volgan en Russie.
1991 : Le maréchal Vashkov mène avec succès un coup d’état militaire à l’encontre du président Gorbatchev.
1992 : Découverte de champs de pétrole dans les eaux de Grande-Bretagne.
1995 : Le parti conservateur de Shirley Brown perd les élections britanniques et les « Vrais Travaillistes » accèdent au pouvoir.
1996 : Le premier ministre britannique Livingstone ordonne aux États-Unis de retirer leurs bases militaires de Grande-Bretagne.
1998 : Les États-Unis isolationnistes se retirent d’Europe et de l’Otan.
1999 : L’Europe de l’Ouest est envahie par les Volgans. Les États-Unis restent neutres. Suite à l’utilisation d’armes nucléaires, la Grande-Bretagne capitule. La « Guerre des huit heures » est terminée. Le camionneur Bill Savage entre en résistance.
2004 : De retour des États-Unis Bill Savage se fait passer pour son frère Jack et sous cette nouvelle identité reprend le combat contre les Volgans.
Cette uchronie repose sur une invasion de la Grande-Bretagne par les Volgans (l’éditeur a décidé de ne pas employer le mot « Russe »).
On peut envisager que le point de divergence repose sur une intervention britannique en 1919 en pleine guerre civile russe. Elle aurait été plus « musclée » que dans notre réalité et ceci avec l’utilisation de davantage de gaz de combat (Winston Churchill n’était pas renommé pour sa subtilité). Ceci aurait entrainé plus de rancœur locale, un terrain favorable pour l’émergence d’un parti ultra-nationaliste.
La série « Invasion » a débuté en 1977 dans la revue britannique 2000 AD. Après 51 numéros (qui relatent les évènements de 1999 à 2004) elle s’est achevée sans réelle conclusion. La voici enfin. Mais les évènements décrits ne concernent que ceux débutant en 2004. L’histoire demeure compréhensible. Cependant, on reste perplexe lorsque sont mentionnés différents membres de la famille Savage. Un arbre généalogique aurait été nécessaire.
Sous le crayon de Charlie Adlard (Walking Dead) Pat Mills nous présente les exploits d’un héros motivé plus par la haine que par l’idéalisme. Cependant, il réussit à contrôler sa rage pour éradiquer Volgans et collaborateurs (des anciens du MI5 se trouvent dans les deux camps).
La Grande-Bretagne se trouve partagée entre collaborateurs et résistants, sans oublier les attentistes. Coutumier de l’humour noir, Pat Mills nous décrit la méthode Volgane pour le contrôle des foules : outre la propagande classique voici une méthode des plus soft… les romans à l’eau de rose devenus une drogue pour la population qui tombe dans l’hébétude au lieu de combattre les envahisseurs.
Parallèlement, Pat Mills nous décrit de manière incisive le maréchal Vashkov incarnation (selon lui) de l’âme russe : Voilà qui est vraiment Vashkov : un pitre, un « fou sacré ». Il fait partie d’une longue tradition en Russie qui remonte à Jirinovski, Khroutchev et Raspoutine. Ce que dit « Vlad le malade » n’a pas besoin d’être censé. En fait, il vaut mieux que ça ne le soit pas. Il exprime tout haut les peurs secrètes irrationnelles, les préjugés et les idées folles de tout le monde, et le transforme en réalité. Il est le pilier de bar qui dit n’importe quoi mais qu’on apprécie et avec qui on est tous d’accord comme le dit le proverbe russe, « ce qu’un sobre pense, un homme ivre le dit ».
Damien Dhondt
Scénario : Pat Mills, Dessin : Charlie Adlard _ Savage _ Edition Delcourt, Collection Contrebande _ juin 2015 _ Inédit, moyen format, 192 pages noir & blanc _ 17,95 euros
|