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Sommaire - Interviews -  Patrick Couton traducteur


"Patrick Couton traducteur" de Fildefer


Une interview de Parick Couton par Fildefer pour Sfmag

Patrick Couton est ce génial traducteur qui rend l’humour anglais de Terry Pratchett accessible à des milliers de lecteurs en France. Au delà du travail sur le texte des ouvrages du Disque-Monde de Terry Pratchett, ou des chroniques d’Alvin le faiseur d’Orson Scott Card, il réussit l’exploit d’en faire résonner les harmoniques universelles. Gageons que sa qualité de musicien n’y est peut-être pas étrangère.

SFMAG lisez-vous le texte en son entier avant sa traduction ?
PC : Non, je suis un original, je ne fais pas de lecture préalable du texte anglais. Si je lisais un roman de Terry Pratchett avant de le traduire, je serais rebuté par le nombre de difficultés à surmonter, voire complètement démoralisé. D’ailleurs, me connaissant, je chercherais à les résoudre tout de suite. Parfois, pourtant, ça m’aiderait de le lire pour en connaître la trame, savoir comment il se termine. C’est le seul avantage que je vois.

SF Mag : Vous arrive t-il parfois de vous identifier à l’auteur lors de la traduction ?
PC : Pendant la traduction, je rentre dans l’œuvre, je m’immerge complètement dans l’ambiance et dans les personnages. Je ne suis pas dans la tête de l’auteur, je suis dans le livre. J’en tire la substance, aussi bien le style que les caractères des personnages. Quand je traduis un texte, je marche beaucoup au feeling, je n’essaye pas avant toute chose d’en faire une analyse stylistique très structurée.

SF Mag : Nous ressentons une jubilation certaine lors de votre travail, essayez-vous de transmettre aux lecteurs, le plaisir que vous avez ressenti lors de votre lecture ?
PC :Bien sur, quand je ris en lisant une blague ou une référence, je me dis que je dois me débrouiller pour que le lecteur du texte français se marre au même moment. Si je ris autant à la relecture du texte français, alors je suis satisfait. J’ai la particularité d’oublier très vite ce que j’ai traduit, si bien que je redécouvre les blagues avec un œil neuf. Ça m’est arrivé par exemple il y a quelques jours avec Carpe Jugulum que je viens de terminer et de relire, et je me suis esclaffé à mes propres blagues dont je n’avais plus le souvenir.
J’ai trois niveaux ou vitesses de lecture. La lecture au moment où je traduis, qui est très lente. Puis la première lecture complète du travail achevé. C’est là que je suis attentif au rythme de la phrase et que je vois si la magie du livre fonctionne. Enfin une troisième après toutes les corrections effectuées en liaison avec l’éditeur, sur une copie mise en page d’une manière définitive. Cette dernière lecture dans les conditions exactes du lecteur.

SF Mag : Vous venez de parler du rythme de la phrase, plus tôt vous parliez de feeling. La musique semble vous aider dans votre travail de traducteur, non ?
PC : J’ai toujours pensé que le traducteur devait-rester à l’écoute de l’auteur, pour sentir le changement de tonalité dans un paragraphe. Or, en tant que musicien, je travaille souvent comme accompagnateur. Un bon accompagnateur doit toujours être à l’écoute de l’interprète, et sentir un peu à l’avance quand il va changer de registre... au feeling donc. J’ai une bonne réputation d’accompagnateur. C’est Pierre Bordage qui le premier m’a fait remarquer ce que ma connaissance de la musique apportait à mes traductions.

SF Mag : Sauriez-vous nous donner l’instrument qui définirait le mieux la tonalité de la phrase de T.Pratchett ?
PC : Un instrument avec un son assez sec, assez percutant qui correspond un peu à la voix de Terry. Il n’a pas une voix avec de grosses harmoniques. Un son de banjo peut-être. D’ailleurs Nounou Ogg joue de cet instrument. Oui, le banjo, c’est pas mal. Il est sonore, puissant, mais il émet des notes cristallines. Et peut avoir des accents comiques.

SF Mag : est-ce que les livres de TP font partie des livres que vous aimeriez lire en tant que lecteur ?
PC : Je me suis déjà posé la question ... et je n’ai pas trouvé la réponse. Je suis peut-être à la fois trop proche et trop éloigné du texte.

SF Mag : parlez-nous un peu de votre travail avec l’éditeur
PC : Après ma première relecture complète, je transmets ma traduction à Pierre Michaut de l’Atalante. Il me la rend avec des annotations. Des détails souvent, mais parfois des demandes d’éclaircissements.

Sf Mag : Avez-vous des personnages préférés dans ces romans ?
PC : L’équipe du Guet et les sorcières. Plus précisément Vimaire et Mémé Ciredutemps. Je viens d’ailleurs de découvrir que ce sont les mêmes que préfère TP.

Sf Mag : Procédez-vous de la même manière pour O.S Card ?
PC : Oui, la même immersion mais dans un univers différent.

SF Mag : Orson Scott Card lui, joue de quel instrument ?
PC : ( Rires ) Pas du banjo en tout cas. Peut-être du violoncelle mais dans un répertoire de musique d’Eglise. Ou de l’harmonium plutôt. On s’approche.(Rires)

SF Mag : et vos influences ?
PC : Peut-être Bob Morane dans la cour de récré du lycée, mais j’ai surtout eu la chance d’avoir Thomas Narcejac comme professeur de français-latin en 6ème et 5ème qui initiait ses élèves à la littérature policière. Ceux qui avaient de bonnes notes, il leur prêtait des livres. Des polars et de la SF. C’est lui qui m’a prêté mon premier livre de SF, j’avais dix ans et c’était un roman de Stefan Wul Retour à « O », au Fleuve Noir. J’ai ensuite lu un maximum de séries noires. Je me suis d’ailleurs servi de cette culture pour la manière de s’exprimer de Chicart dans les romans de Terry Pratchett.
Actuellement j’ai un peu de temps pour lire et j’ai remarqué une chose, j’ai beaucoup de mal à lire de la littérature traduite. Donc je ne lis quasiment que des auteurs français. Principalement Simenon depuis quelque temps.

SF Mag : Et vous avez découvert Pierre Bordage.
PC : Non, pas découvert, je l’ai pris en auto stop un soir à la sortie de Nantes. Il était alors étudiant. C’était vers 76 ou 77, lui s’en souvient peut-être mieux que moi. Nous avons sympathisé car nous avions des affinités musicales communes et je lui ai donné des cours de banjo (et de guitare, je crois). Nous sommes restés très copains et avons même fait au moins une virée au festival folk de Cambridge, à la suite de quoi je l’ai aidé à acheter un banjo à Londres. Nous nous sommes perdus de vue au début des années 80. Ce n’est que plus tard, au début des années 90, que j’ai eu le bonheur de recevoir un coup de téléphone de lui qui m’a beaucoup surpris. Il me disait qu’il était fan de Sf et d’Orson Scott Card et voulait savoir si j’étais bien son traducteur chez l’Atalante. Il écrivait les Rohel à l’époque, mais avait dans ses tiroirs un gros manuscrit dont personne ne voulait. Il m’a donc envoyé son roman que j’ai transmis à Pierre Michaut.
Et quelques jours après, Pierre Michaut m’a dit : « Je n’ai pas fini de lire le manuscrit, mais ton copain, là, il sait raconter des histoires et je crois qu’on va l’éditer. » C’était « Les guerriers du silence ».

SF Mag : Donc, grâce au banjo ?
PC : Oui, le banjo est un instrument universel indispensable aux écrivains ! (rires)
Mais plus sérieusement, Pierre Bordage est un conteur à l’imagination débordante. Il a un nombre incalculable d’idées de romans dans la tête. Un jour il a commencé à m’en énumérer quelques-unes et je n’en voyais pas la fin.

SF Mag : Patrick Couton merci




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