6,5/10
Days, c’est d’abord une confrontation entre le Yin et le Yang. La mise en lumière de principes contraires, et ce dans une même unité - un être humain, un magasin, la façon de penser. Ainsi, Days est un gigastore, un magasin gigantesque dans lequel on trouve de tout, extrêmement sécurisé - caméra, gardes - et qui est le vecteur de massacres dès qu’une vente Flash est annoncée. Les clients se piétinent, se battent, pour profiter des bonnes affaires pendant le temps imparti. Days, c’est la présentation d’un Fantôme, un garde bien particulier du gigastore, qui se promène toute la journée dans le magasin, à la recherche de voleurs éventuels ; un Fantôme qui ne supporte plus sa vie d’être invisible, perdu au cœur de la foule, et qui désire donner sa démission. Pour retrouver la vie, être quelqu’un. Etre vu. Days, c’est également l’espoir d’une femme de se sentir plus importante, par l’acquisition d’une carte de paiement qui lui permettra d’entrer dans le gigastore et d’y faire ses achats comme le font tous ces riches auxquels elle voudrait ressembler.
Days, c’est enfin un critique du monde contemporain. Par le ton assez froid de l’auteur, le temps au présent du récit, c’est une analyse de gens, de systèmes, d’une société, qui a mis au monde son plus grand ennemi : lui-même. La taille du magasin, son personnel, la façon dont il est agencé, surveillé, est la cause de ses tracas ; la manière - sublimée - dont les clients perçoivent le gigastore créée la jalousie envers les autres clients, et son déclin personnel. Ce qu’un fantôme sait faire de mieux devient ce qu’il ne supporte plus d’accomplir, jour après jour.
Voici ce que nous sommes, voici ce que nous allons devenir : nos rêves, nos aspirations, vont nous détruire ; une fois notre but principal atteint, nous réaliserons que nous avons emprunté le chemin que nous avions toujours essayé d’éviter : celui menant à notre mort - physique, sociale, psychologique.
Un livre intéressant, bien qu’une fois encore un peu froid, parfois trop pointilleux dans les détails - du magasin, des activités des protagonistes - et qui entraîne ses personnages dans un gouffre les menant au bord de la folie, ce qui pourra être appréhendé comme une pente narrative quelque peu extrême pour le lecteur. Certains protagonistes, par la haine ressentie, devenant quelque peu inhumains. Un livre qui intrigue autant qu’il dénonce la vie d’un être humain, dans la société qu’il a construite et qu’il haït. Pour ne pas se haïr, lui.
Grégory Covin
Days (Days) - James Lovegrove - traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Nenad Savic - - Bragelonne - janvier 2005 - 321 pages -20 euros