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Sommaire - Interviews -  Stephen Hopkins


"Stephen Hopkins" de Stéphane Thiellement


C’est en 1987 qu’on découvre le nom de Stephen HOPKINS avec « Dangerous Game », survival urbain où un flic devenu fou piège cinq jeunes dans un supermarché. Excellent exercice de style, le film met en avant des qualités visuelles qui serviront sa carrière grâce à des réussites telles que « Freddy 5 », « Predator 2 », « Blown away », etc... Pourtant, Stephen HOPKINS n’a jamais vraiment rencontré un énorme succès commercial, ni même critique. Après un véritable premier ratage avec le nullissime « Lost in space », Stephen HOPKINS retrouve le goût du cinéma avec « Suspicion », remake du « Garde à vue » de Claude MILLER, avant d’embrayer avec le succès que l’on sait sur la première saison de « 24 heures », et ensuite sur le film-biographie consacré à Peter Sellers. Retour sur la carrière d’un réalisateur trop méconnu, à l’occasion de la ressortie en DVD d’un de ses meilleurs films, l’excellent « Predator 2 ».

Votre filmographie n’est remplie que de films d’action. Est-ce par goût ou parce que c’est le genre qui vous permet le plus d’exploiter votre idée du cinéma ?

Les deux. Les genres dans lesquels j’ai œuvré sont parfaits pour exploiter l’aspect visuel d’un style. Vous avez souvent du temps, de l’argent, ce qui vous permet d’utiliser quelque chose de personnel... En fait, c’est un peu pour moi la prolongation de ce que je faisais pour les clips vidéo, quand j’ai débuté. Créer un style visuel propice à l’histoire que je devais mettre en images. Je faisais ce que j’avais envie, dans les limites qu’on m’autorisait. Et l’action, qu’elle soit dans un Thriller ou dans la Science-Fiction, permet de développer ces idées

Votre premier film, « Dangerous game », est australien. Ensuite vous avez eu des propositions venant des USA, comme « Freddy 5 »...

Non, au départ, ma première proposition venait de Paramount pour « Pet Sematary ». Il y eut beaucoup de réunions et, finalement, rien ne se passa. Je suis donc reparti en Australie pour tourner quelques clips, et gagner un peu d’argent ! Puis je suis reparti là-bas mais rien ne m’était vraiment proposé. Et au moment de rentrer définitivement chez moi, parce que j’étais encore plus fauché que la première fois, mon agent m’a appelé. On me proposait « Freddy 5 ». C’était le jour de la St Valentin, le film devait sortir avec 2500 copies en Août suivant. Ce fut un tournage sauvage, quasiment sans scénario, et 4 équipes à diriger en même temps...

Quel jugements, quels regards portez-vous sur vos films américains ? Dans l’ensemble, ils ont bons voir excellents, excepté « Perdus dans l’espace » qui est un ratage total...

Mes films américains... Pour « Perdus dans l’espace », je suis d’accord ! Ce film fut gâché par ses effets spéciaux, trop nombreux, trop monstrueux, ne serait-ce que le robot... C’est lourd à gérer, vous ne pouvez bouger la caméra comme vous le souhaitez. C’est d’ailleurs une des raisons qui m’ont enthousiasmées pour tourner Under suspicion : je retrouvais ma caméra et le plaisir de mettre en images mes idées. Je voulais autrement en faire un film pour les enfants. Voir si je le pouvais. C’était pour ma fille aussi. Mais tout était tellement sophistiqué, New Line, le producteur, voulait du spectacle, le scénario en a subi les conséquences. Le film fut carrément charcuté lors de son montage final... En fait, j’aime assez la première moitié, pas la seconde. A la fin, on n’en pouvait plus, on nageait en pleine folie... Je peux dire que c’est mon film le plus inachevé.
Maintenant, celui qui me satisfait le plus, c’est « Suspicion ». Sinon, je reconnais que mes autres films possèdent quelques très bonnes scènes mais que l’ensemble n’est jamais pleinement satisfaisant. Seul Under suspicion possède ça. Vous savez, les films d’action sont finalement très durs à mener à terme. Pour beaucoup, je n’avais jamais vraiment de scénario ! C’est vrai ! Pour « Dangerous game », il n’y en avait pas mais c’était l’opportunité de faire un long-métrage avec des idées visuelles qui me tentaient. Pour « Freddy 5 », juste quelques lignes mais c’était mon passeport pour les USA. « Predator 2 », c’est différent : il y avait un résumé du scénario mais par contre, tout le reste était storyboardé ! Le scénario s’écrivait d’après les dessins. J’avoue que cela m’aida beaucoup... Je me suis vraiment amusé avec ma caméra, les dessins étaient très visuels, très comics. En fait, « Predator 2 » fut certes harassant, mais visuellement, j’en suis très content.

Vos films suivants semblent moins compliqués. On y trouve même une sorte de remake de « Dangerous game » avec « Judgment night »...

« Judgment night » en était à son douzième traitement. Il traînait depuis presque quinze ans dans les bureaux, personne n’en voulait. C’est drôle, je n’avais jamais fait le rapprochement avec « Dangerous game ». Mais inconsciemment, c’est peut-être ce qui m’a attiré... J’aime beaucoup ce film, je sortais de l’expérience exténuante de « Predator 2 ». « Judgment night » était plus modeste et je trouvais intéressant le climax de l’intrigue. Cette chasse à l’homme dans une grande ville... Vous savez, c’est un drame qui peut vraiment arriver aux USA.. Cet aspect sérieux me tentait, c’était crédible, ça me permettait de voir autre chose que les univers de « Freddy 5 » et « Predator 2 ». « Blown away » fut, je crois, le premier à avoir un vrai script. J’aime beaucoup « Blown away », il y a des séquences dont je suis très satisfait. Peut-être le seul que je mettrais avec « Suspicion » au crédit de mes réussites.

Peut-on considérer que vous avez réalisé un vrai films d’aventures avec « L’ombre et la proie » ?

« L’ombre et la proie » est mon film le plus inabouti. Il fut très dur à tourner, mais le scénario était vraiment superbe. Et... Parfois, on a entre les mains des scénariis vraiment remarquables, et je suis déçu par le résultat final. « L’ombre et la proie » exploitait plus les tourments des personnages, leurs peurs grandissantes face à ces deux créatures, ces deux lions dont l’aura surnaturelle n’a pas non plus été suffisamment développée. Ce scénario méritait un film plus intense, plus sombre, plus achevé que celui qui sortit en salles. Pour être franc, j’ai du mal à le revoir jusqu’au bout. J’aimais trop le scénario pour apprécier cette version finale du film.

Que pensez-vous du système hollywoodien, de travailler pour des majors qui ont la réputation de diriger le film à la place du réalisateur ?

Un film, aux USA, est décidé par les producteurs qui, après, "dirigent" le scénariste et le metteur en scène. Mais paradoxalement, si ils voient que la direction que vous prenez, que vous leur proposez donc, est intéressante, bonne, ils vous laissent faire. Ils savent quand même reconnaître les qualités des autres. C’est vrai que le cinéma américain n’est pas sans dangers pour un réalisateur, mais je suis très coopératif...

« Suspicion » est votre premier vrai thriller à suspense, sans effets spéciaux, ni scènes d’action explosives. C’est ce qui vous motiva en plus de l’attrait pour son scénario ?

Je pense que c’est aussi parce que c’était réellement différent. Ce n’est même pas un thriller puisque à la fin, on tombe plutôt dans un drame. Quelque part, il y a aussi cette note romantique, avec cette tristesse dans cette histoire, et j’étais intéressé de trouver ces notions plutôt inédites pour moi dans un film. Ca pourrait être une histoire vraie. Le portrait d’un homme, de ses réactions par rapport à des sentiments qui perturbent son entourage. Vous savez, j’ai 42 ans dans quelques jours, une fille de 17 ans, et parfois, je m’interroge sur pas mal de conneries, sur mon âge que je vois vraiment quand je regarde ma fille... C’était une opportunité à saisir, je sortais de « Perdus dans l’espace » » qui m’avait vidé. Et à ce jour, je n’ai fait que des films d’action plus ou moins réussis, des histoires de tueurs, de flingues, ma carrière ne comporte que cela. Je veux changer un peu maintenant, je veux d’abord un vrai script, et ensuite je prendrai ma caméra... Les films d’action actuels me lassent de plus en plus quelque part. Ils ne reposent plus que sur les effets spéciaux, une musique tonitruante et un montage haché. Ce n’est pas l’action que j’aime, celle qu’on trouve dans les années 70, avec des films malins, intelligents comme « French Connection », « Get carter » et leurs personnages fous, torturés. Actuellement, le seul que j’apprécie dans le genre, c’est John McTiernan, parce qu’il filme vraiment l’action dans des longues scènes, des plans très longs où tout est situé. Dernièrement, j’ai vu « Gladiator ». C’est un très bon film, mais pour les scènes d’action... Je ne sais pas, j’étais frustré. C’est rapide, on en parvient pas à visualiser l’ensemble, on ne voit rien, où plutôt, on ne comprend rien. A l’opposé, j’avais aimé « Highlander » parce qu’on avait vraiment l’impression d’être dans une scène d’action, dans un paysage au milieu des protagonistes. Encore mieux, « Le dernier des mohicans ». Superbes scènes d’action, du pur spectacle !

« Suspicion » possède une approche plus cinématographique que « Garde à vue », qui avait une approche plus théâtrale.

Oui, le film de Claude Miller est très stylisé et théâtral. Ce qui me plaisait dans cette histoire, c’est que tout reposait sur les apparences et les interprétations des actes des protagonistes, sur les interrogations d’un homme qui perd de sa prestance, qui vieillit. Parfois, on n’aime pas voir ces personnes. Le seul personnage qui m’échappait, c’est Chantal qui se suicide à la fin du film de Claude Miller, ce qui est une fin typiquement française (rires). Je la vois plus comme quelqu’un qui aimait vraiment son mari mais qui suite à une fausse interprétation de ce qu’elle a vu, devient maladivement jalouse. Je voulais une fin différente, je ne sais pas pourquoi... Je voulais que Chantal soit un personnage qu’on puisse croiser un jour. Qu’elle n’ait pas une réaction embarrassante mais triste. Ce qui est renforcé par la scène finale où Gene Hackman s’assoit sur un banc voisin du sien, la regardant avec tout ce que cela sous-entend de déceptions venant d’elle. Claude Miller m’a dit qu’il avait envisagé une fin assez similaire au début, où Michel Serrault rentrait chez lui, face au regard de Romy Schneider derrière une fenêtre. Il aime beaucoup la fin de mon film, tout comme l’enrichissement psychologique de certains personnages. Seuls les flash-backs le gênent : il trouve ça trop cinématographique. Ca, c’était mon idée. Comment restituer au mieux ce que ressent quelqu’un sur un évènement qui lui est narré. J’étais inquiet quand j’ai fais la première séquence, je ne savais pas si ça marcherait ou si ça ferait "gadget". J’ai regardé en vidéo, et le résultat était positif. Je pense que ça permet de voir la scène comme ceux qui s’y projettent, de voir comme eux la scène sous un aspect autre...
Et puis, j’ai laissé la musique en omniprésence tout au long du film, pour rappeler l’ambiance de Porto Rico. On a tourné là-bas parce que Morgan y a un bateau (Rires). Non, ce que je voulais, c’était une île. Etant né à la Jamaique, je savais parfaitement que c’était parfait, un environnement plus restreint, plus petit, pour montrer l’importance de la réputation d’un homme. Même dans une ville, on n’obtient pas la même chose que sur une île ou tout se sait, où tout le monde se connaît. Et puis, on a eu la chance de tomber en même temps que la fin de la fête de San Sébastian. Les gens étaient fatigués, saouls, couchés dans les rues, il y avait des masques aux couleurs violentes. Et situer cette histoire dans cette ambiance chaude, lourde, sexuelle aussi, renforçait quelque part la claustrophobie de cette nuit d’interrogatoire. Des éléments essentiels et nouveaux pour moi, une plus grande liberté de création pour mon film.

Morgan Freeman et Gene Hackman se sont passionnés pour ce film puisqu’ils sont entrés dans la production du projet...

Gene avait vu le film il y a une vingtaine d’années, et il a relancé l’idée quand il en a parlé avec Morgan. Lui et son associée Lori Mc Leary ont tenté de le produire pendant des années. Mais il y a avait des problèmes de droits, et par rapport au roman originel, et par rapport au film de Claude Miller. C’était très complexe. Mais toutes ces années d’attente leur ont permis de mieux construire leurs personnages. Gene en a fait quelqu’un de très prétentieux, et de très sensible, par exemple. Toutes ces idées ont enrichi le scénario. Moi, j’ai juste dit que je ne voulais pas d’une grande actrice pour Chantal. Je voulais une femme belle, sensuelle, et jalouse, comme Monica, assez inconnue pour qu’on voie plus son personnage qu’elle. Elle est fascinante quelque part, puisqu’elle espère qu’il a vraiment tué ces deux gamines. Sinon, elle se retrouvera face à la vérité qui montre qu’elle a fait une effroyable erreur. J’ai intégré des éléments par rapport à elle qui enrichissent sa personnalité. Ses motivations sont tristes quelque part. Le temps qui passe, la beauté qui vieillit, ne plus ressentir de la part de l’autre le même attrait qu’au début, mais le voir avec d’autres jeunes femmes, attise sa jalousie.

« Suspicion » est votre film le plus abouti. Pensez-vous qu’il vous aidera auprès des producteurs à évoluer vers d’autres genres ?

D’abord, quand je pense que c’est mon meilleur film, c’est parce qu’il correspond à ce que j’en pensais quand j’ai lu le scénario, à ce que je souhaitais qu’il devienne. Dans mes précédents films, il y a toujours un point négatif : la fin, un personnage négligé, bref une frustration à chaque fois. Sauf sur « Blown away ». Avec « Suspicion », j’ai enfin réalisé le film que je voulais, et ça, c’est magnifique.
Maintenant, oui, cela peut montrer que je peux faire des films plus complexes scénaristiquement, et les mener à terme. Un de mes prochains projets relate le cas d’un homme qui quitte Green Peace pour mener sa propre lutte pour la survie des baleines. Si ça se fait, ce sera difficile, il y a beaucoup de scènes en pleine mer, mais le scénario est excellent, et j’ai survécu à pire... Et dans une autre mesure, j’ai un projet assez... Original, différent, mais pour une série TV. Mais pour le moment, je ne peux pas en dire plus...

Propos recueillis et traduits par St. THIELLEMENT, septembre 2002.




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