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  Sommaire - Livres -  G - L -  La Malédiction de l’Ange Noir
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"La Malédiction de l’Ange Noir"
Michele Hauf

Editeur :
Harlequin-Collection Luna
 

"La Malédiction de l’Ange Noir"
Michele Hauf



10/10

(Voir également dans notre numéro 45 de Sfmag disponible en kiosque fin août 2005 une étude de Valérie Revelut sur cette nouvelle collection)

Longtemps cantonnées dans la littérature à l’eau de rose, les éditions Harlequin inaugurent une toute nouvelle collection sous la dénomination de "Luna", probablement l’une des plus belles collections du genre. Quatre premiers volumes sont parus sous quatre plumes différentes, quatre styles affectés en cela fidèles à la profession de foi de l’éditeur, mais qui font montre d’une incroyable originalité, d’une fraîcheur à laquelle la fantasy ne nous avait plus habitué depuis le très bon cycle de Jennifer Roberson, "Les Cheysulis", dont on espère encore voir un jour une nouvelle traduction en France (d’autant plus qu’il existe une suite inédite aux huit premiers volumes déjà traduits en France) .
Car qu’on ne se trompe pas, Bradley, Norton, McCaffrey, Lee, ont engendré d’une prodigieuse école de "Romance Fantasy" qui sait jongler avec toutes les conventions du genre tellement l’art de la "métaphore en mouvement", ce visage de l’éternel féminin des anciens contes mais réactivé par le nouveau roman de genre, sait à ce point produire d’incroyables topos aux contours et aspérités chatoyants, des situations romanesques où le sentimentalisme n’est pas une simple porte de sortie téléphonée mais une trame à elle seule. C’est cette bonne vieille et archaïque critique française qui a congédié ces plumes de grand talent dans le registre "rose" tout simplement parce qu’elles osaient parler d’amour, du rapport à l’autre, de la courtoisie, toute féminine celle-là. Parce que, toujours selon cette bande d’incroyables connars suffisants, la courtoisie ne devait, ne pouvait qu’être masculine, enfoncée comme en son saint purin dans l’école du roman français du moyen-âge.
Ce sont les mêmes cons qui à une autre époque dirent de Robert Howard qu’il n’était qu’un écrivain fascisant ou de taxer un genre aussi complexe de "réactionnaire". Roberson est probablement l’une des meilleures plumes du genre, et Sara Douglass va bientôt paraître chez Bragelonne pour montrer une fois encore que le sceau féminin sur le genre est toujours aussi prégnant et que les proses libérées de leur allégeance au roman courtois ont su creuser un sillon large et beau, ouvert aux paradoxes et mises en question toujours sous la thématique du rapport à l’autre ou au même, en des conditions que les éléments de la "surnature" complexifient et subliment à merveille. Jamais la Fantasy dite féminine n’a eu autant de force que durant ces trente dernières années, et il fallait saluer le bel exploit quand on voit à présent ces belles jeune femmes manier de si belle manière ces "romances détournées". Léa Silhol, Mélanie Fazi, Charlotte Bousquet, Audrey Français, Serena Gentilhomme, Claire Alix Panier, un certain nombre de plumes françaises sont en train de faire sensation à l’heure actuelle, et il serait juste qu’elles soient honorées à la mesure du talent si bien employé à caresser cette métaphore vive toujours en mouvement, cette métaphore qui, du pensé à l’écrit, est un prodige rare conféré par l’écriture, l’un de ces rares moments qui se vit comme illumination. Remarquables conteuses, ces filles au talent exceptionnel se devaient d’être nommées, et mille pardons aux belles que j’aurais oublié, tel Pug s’inquiétant de savoir s’il avait bien gagné à divertir l’assemblée.........

"Luna" est donc née sous le judicieux patronnage des éditions Harlequin, et toute une école prend véritablement son essor, sans complexes ni crainte d’ heurter ceux qui pensent que "La fantasy moi j’aime pas ça" et autres axiomes misogynes si fièrement arborés de la part des défenseurs de la vraie Fantasy, ou pourfendeurs de cette fausse fiction trop subversive, c’est idem. "Revenons en à la vraie SF" braillent ces furoncles vindicatifs. C’est là une prise de position intenable et l’aveu de la rouillure gagnant les allègres boursouflés du dogmatisme journalistique. Des prises de position qui, avouons le, ont bien démontré une fois de plus où en était la critique en France.

"La Malédiction de l’Ange noir" s’ouvre sur un Paris de 1433 en proie aux agissements de seigneurs noirs qui mettent à feu et à sang les populations et broient sous leur courroux les maigres poches de résistances ou les quelques seigneurs locaux tentant de rétablir un semblant d’ordre. Seul un mystérieux chevalier vêtu d’un métal noir comme les galaxies fait face. Un à un, les serviteurs du mal tombent sous les coups puissants et habiles de ce guerrier devenu légende. Or, comme le dit la légende, sous la cuirasse demeure parfois de grands secrets, et ce chevalier n’est en fait qu’une belle et jeune femme intrépide, Gabrielle de vertus. A l’aide de son écuyer, Baudouin, elle poursuit une quête vengeresse. Alors surgira un autre guerrier aux pouvoirs maléfiques qui, conférera à la vindicte de Gabrielle un caractère proche de celui d’une sainte.

Une Chanson de Geste féminisée

Trois destins se jetteront dans la mêlée d’un monde grevé des remugles d’un mal ancien, et des solitudes finiront par se trouver, ce qui implique les ingrédient habituels de la chanson de geste et qui sont, abnégation, sens du sacrifice, quête, rédemption, engeance maudite, la tentation du mal, les parentés démoniaques, bref des thématiques empruntées en grande partie à la religion chrétienne. Mais si emprunt il y a c’est en une vision tout ce qu’il y a de plus féminine, débarrassée des gaudrioles des gestes centrées autour d’hommes de légende. Non, la légende qui demeure comme un trésor secret dans le roman de hauf, c’est cette délicate et toute féminine attention à l’autre, aux autres, mais aussi cette confrontation au mal extérieur, et surtout celui qui dort derrière les plus sourdes pensées de la vengeance. Une belle confrontation des mythes chrétiens avec ceux des anciens Dieux, quand Pan se fait le rédempteur de Saint Just.

De la Vengeance comme d’une possible rédemption.....

Sans grande prétention, cette "Romance Fantasy" met brillamment en image l’axiome biblique "Oeil pour oeil et dent pour dent" qu’elle dilue par une rencontre bien particulière, celle de la Faerie. L’amour sauve de tout, quand il est sincère et partagé, non faussé et entier. On aurait pu s’amuser à en rire tellement cela pourrait être naïf, mais la beauté de l’écriture nous donne envie d’y croire, ne serait-ce que l’espace de cette histoire, entre "Le Chien de Guerre" de Moorcock, "Raum" de Carl Sherell (qui faisait déjà montre d’un excellent croisement entre Celtisme et Christianisme) et quelques phrases affectées qu’on croirait imitées des vieux contes de jadis relié sous un cuir craquelé, et qui nous racontait tout enfant ces sempiternelles histoires d’amour et de chevalier, de dragon, de diable et d’enchantement. Toute la réussite de Michelle Hauf se tient là, employer des formes nominales primitives et faussement naïves comme Gabrielle de Vertus pour en faire une métaphore en mouvement du mythe de l’ange Gabriel. Dans le christianisme, l’Ange Gabriel était l’annonciateur de la divinité, dans le roman de Hauf il a une fonction double : purger le monde et trouver sa rédemption par l’amour, cet amour inattendu qui lui viendra d’un autre monde, monde opposé au monde clôt du christianisme classique.

Pour suivre le chemin de Léa Silhol, là-bas, toucher la métaphore vive....

Ce roman est une bien belle féminisation des archétypes sacrés du christianisme, une humanisation même. Pourquoi débattre toujours sur le sexe des anges alors qu’on pourrait un temps en faire des femmes et les faire chaire, sentiments, et tenter ainsi comme Maurice Blanchot l’évoquait et comme le tente brillamment Léa Silhol, faire éclater la métaphore vive, et par delà le miroitement fugace de l’entreprise toucher l’espace d’une pensée ce qui pourrait se nommer l’ivresse des profondeurs ou l’allégresse des cimes. Réactivation, mise en mouvement, articulation, vocalise, sonorités, cinétique, les mythes qui se font chaire, Léa Silhol est parvenu enfin à s’emparer de ces "sacrés éparpillés", à leur donner vie, à faire par l’abolition de la métaphore, des êtres touchés par le pathos, des êtres entre réel et sur-nature. Par le travail méticuleux de la poétique ancienne mise en prose, Léa est parvenue à faire des poèmes vivants, des portraits singulièrement humains mais enracinés encore dans le néant vif argent de la sur-nature. Hauf se prend également au jeu, s’amuse à donner à son nom la signification romanesque naïve requise mais également cette significative mise en action du mythe angélique pour ne plus en faire qu’une femme faite de chaire et de sang, de sentiments et de pensées. En cela, on pourrait dire qu’elle réactive, mais à un degré romanesque atténué par des portraits psychologiques simples, la porteuse d’un nom-icône arraché au sacré et la faire être comme tel. Hauf écrit une histoire qui semble débarrassée de toute allégeance à un sacré auto-normé, comme si la vie avait également ce pouvoir sacré mais encore plus invisible que la divinité supposée, de conférer, même à un être issu de la sur-nature, une chance de rédemption, un droit à la réalisation sans aucune autre instance que ce délicat sentiment de la vie, subtile et secrète, travaillant patiemment à quelque rédemption hasardeuses mais dans l’ordre du possible..........
Tout critique qui saura dépasser les clivages de ce romantisme affecté pourra sentir tout le travail sous-jacent de l’auteur, même si ses personnages sont ce qu’on pourrait nommer des "miroirs simples de sentiments", comme dans tout roman d’amour. Une très belle histoire qui vaut ainsi tant par la forme que par le fond......

Michele Hauf, La Malédiction de l’Ange noir, Editions Harlequin, Collection Luna, traduit de l’américain par Sylvie Lebreton, 395 pages, 7.50 €.





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