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"Un jour... je suis revenu du royaume des morts... ce fut le présent du démon qui a pris possession de la moitié de mon âme"
Dans le Far-west peuplé de brigands divers et alors que les cadavres s’accumulent de façon classique le prêtre Ivan Isaak a décidé de s’opposer aux créatures des ténèbres. Il est vrai que des villes ont été mises à feu et à sang en suivant un trajet ferroviaire ressemblant à un pentacle.
Le système de narration est marqué par l’originalité car il se situe à plusieurs époques : le "far-west", la jeunesse d’Ivan Isaak, le "futur", le moyen âge relatant la tragédie du duc de Guillon qui renia Dieu et offrit son corps et son âme à l’ange déchu Temosare et celle de son adversaire inquisiteur Vessiel Gavar.
On peut aussi signaler le talent graphique de l’auteur (1), qui a réussit à retranscrire le contraste entre la jeunesse d’Ivan Isaak marquée par son innocence et la détermination dont il fait preuve dans son combat contre les douze disciples non-humains de Témosare.
Du fantastique dans un contexte original, mais je suis asssez perplexe quant au contexte technologique. Nous sommes en plein far-west et les pilleurs de train utilisent des mitraillettes thompsons, plus précisément de type M.1928 (1928 étant l’année de début de leur fabrication). Monde parallèle ou incompétence de l’auteur ? La réponse est donnée quelques pages plus tard lorsqu’une douille s’envole après le tir...d’un révolver à barillet : incompétence.
Puis on passe trois siècles plus tard avec un matériel militaire contemporain (si mes calculs sont exacts cela doit faire le XXII° siècle).
Mais ce qui rend le plus perplexe c’est la conception de la religion chrétienne qui dans ce manhwa est des plus... originale.
L’auteur qui n’est pas chrétien, bien que certains membres de sa famille soient protestants, a visiblement des failles dans ses connaissances sur le christianisme. Un épisode se situant durant les croisades évoque le combat contre les Hérétiques qui englobe visiblement les Musulmans. Or l’hérésie est une nouvelle doctrine naissant au sein de l’Eglise catholique et entrant en contradiction avec ses dogmes. La lutte contre l’hérésie ne suppose donc pas la lutte contre d’autres religions. D’autre part dans ce manhwa les croisades sont censées se dérouler en "terre païenne", or la Palestine (où se situe le petit village de Bethléem) n’a jamais été considérée par l’Eglise comme une terre où règne le paganisme.
Il faut peut-être rattacher ce mélange de méconnaissance et de crainte envers la religion chrétienne à un certain épisode de l’Histoire de la Corée
( 4° pays par le nombre de ses saints, 10% de la population étant chrétienne ). Au XIX° siècle les Coréens avaient l’habitude de dissuader les missionnaires de venir évangéliser les populations locales : l’argument décisif étant la décapitation. A la suite du raccourcissement de neuf de ses missionnaires (et de 10.000 Coréens chrétiens) un pays chrétien et irrascible envoya une flotte de canonnières enseigner les bonnes manières au gouvernement coréen. Il ne faut pas contrarier la France, fille ainée de l’Eglise !
Un manhwa surprenant, à voir pour le haut niveau graphique, on ne peut qu’espérer que l’auteur trouve un scénariste.
(1) il obtint en 2002 le prix "manhwa de nos jours" et travaille actuellement sur le comic "Ghost Face" pour le studio ICE
Damien Dhondt
Auteur : Min Woo Hyung _ Priest 1-10 _ Tokebi _ Inédit, poche, noir & blanc, 176p. 6,95 euros
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