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"Philippe Dumont" de Par Christophe Corthouts
Nos amis anglo-saxons raffolent de ces histoires dans lesquelles un quidam persévérant parvient à atteindre le sommet de son art... quelle que soit la discipline choisie. Chez nous, le succès est jaugé avec davantage de méfiance (voire de mépris ?), mais Philippe Dumont n’en a certainement pas grand-chose à faire. Policier de haut vol, restaurateur détenteur d’une “formule” géniale (Halloween, à Bruxelles, c’était lui...), sculpteur reconnu et recherché, il se lance aujourd’hui dans la littérature. Avec pour but de se faire plaisir... mais d’aussi plaire au lectorat le plus large possible. Galop d’essai avec La Danse du Fou, une courte anthologie de trois contes, avant l’arrivée, dans quelques mois, d’un “vrai” roman, un polar fantastique délicieusement rétro. Les premières marches du succès, Philippe Dumont les attaque évidemment avec un entretien dans SF MAG.
Est-il exact que vous avez abordé l’écriture presque par curiosité ?
Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours aimé raconter des histoires. Mon premier public se constituait de mes camarades de classe, de ma cousine Chantal et ma sœur Geneviève. Pour eux, j’inventais des univers abracadabrants dans lesquels se mélangeaient vampires et zombies. Bien plus tard, lorsque j’abordais le virage de la quarantaine, j’ai éprouvé le besoin de coucher sur le papier quelques contes qui me trottaient dans la tête. J’ai tenté l’aventure de l’écriture sans autre perspective que de me faire plaisir. À cette époque, j’avais un parcours professionnel riche en remises en question, seule l’écriture constituait un terrain inconnu que je pressentais fertile et pour lequel j’éprouvais le désir de l’exploration.
Toujours exact que vous aviez très peu lu avant de vous lancer dans l’écriture d’un roman ?
Ma culture littéraire comporte de nombreuses lacunes tant il est exact que j’ai peu lu. Hormis de très nombreux ouvrages spécialisés traitant des sciences humaines, mon bagage littéraire se limite durant mon adolescence aux ouvrages d’Henri Vernes et d’un auteur américain dont j’ai oublié le nom. Le personnage central de ses passionnantes divagations se nommait “Doc Savage”. Par la suite, je me suis laissé baigner par quelques œuvres de science-fiction et de fantastiques. J’ai cependant eu l’avantage de grandir dans une famille qui affectionnait les subtilités de la langue française. Mon père s’évertuait à nous faire partager le plaisir suscité par le mot juste. En vieillissant, j’ai conservé ce penchant particulier avec un relatif bonheur.
Votre parcours professionnel, assez particulier, pourriez-vous nous le résumer ?
Pour répondre à votre question il est nécessaire de savoir que je n’entreprends que ce que j’aime ou crois aimer. En 1975, au terme d’un examen concours, j’entre à l’École Royale de Gendarmerie à Bruxelles où j’allais vivre trois ans d’une discipline dont j’ignorais tout jusqu’alors. Étant profondément individualiste j’y ai souffert les affres d’un “esprit de Corps” nourri par règlement disciplinaire particulièrement contraignant. Cette expérience me fut salutaire car elle me permit d’assimiler des valeurs dont j’ignorais jusqu’à l’existence : la rigueur, la constance, le dépassement de soi. J’avais alors 20 ans. Après trois ans d’internat, je sors Gradé d’Elite et Officier de Police Judiciaire. Je resterai 10 ans à la gendarmerie. Cette période me permettra d’étudier avec le plus grand intérêt certains aspects de la psychologie, comme la psychopolémologie. Je ne m’attarderai pas sur ma carrière judiciaire car cette parenthèse de ma vie occuperait tout cet entretien. Sachez cependant qu’en 1983, bien que travaillant sur le terrain, j’aspire à d’autres aventures professionnelles.
Je me découvre une passion pour la peinture ancienne. Trois ans plus tard, alors que j’ai abandonné en 1984 ma carrière judiciaire, je suis agréé comme expert près les tribunaux de Bruxelles pour la peinture flamande et hollandaise des 16e et 17e siècle. À cette époque j’ouvre une galerie d’art ancien et un laboratoire d’expertises avec le docteur en sciences, M. Toussaint et une historienne d’art, Melle Reicher. Jusqu’en 1994, je continuerai à collaborer étroitement avec les services judiciaires pour différentes missions qui me seront confiées tant en Belgique qu’à l’étranger. En 1990, le cabinet d’art que j’ai créé ne m’apporte plus la satisfaction intellectuelle nécessaire à la poursuite de son activité : je désire devenir artiste et deviens en 1991, sculpteur. Dans cette mouvance, en 1995, je fonde avec des proches, la brasserie Halloween à Bruxelles dont j’élabore le concept et construis les décors. Quelques années plus tard, je déire vivre d’autres sensations. Je quitte l’ensemble pour me consacrer uniquement à une création artistique plus intimiste et à l’écriture.
Ce parcours de touche-à-tout, c’est le signe d’un esprit qui s’ennuie vite ou d’un homme curieux de tout ?
Comme je vous l’ai dit, je ne m’investis que dans ce que j’aime. Je ne suis pas curieux de tout mais uniquement de ce qui interpelle ma sensibilité, mon imaginaire. Le reste, je l’observe sans m’y impliquer vraiment, souvent pour une courte période.
Pourquoi le fantastique d’abord et pas le polar, sujet vers lequel vous auriez pu vous orienter plus facilement ?
Il est vrai que mon parcours professionnel devait naturellement me conduire vers le polar. Cependant, il existe ce que je ressens comme une banalité récurrente dans les intrigues des polars. Il me semble que bien peu sont réellement novatrices au niveau de l’intrigue. J’ai récemment opté pour l’écriture de polars dont les paramètres de l’action s’orientent vers l’étrange, le surnaturel. J’ai créé un personnage bruxellois : le commissaire Van Geluwe dont les curieuses aventures se situent vers 1948. Le fantastique me permet d’épanouir cette sensibilité qui est mienne, contrairement à la platitude du quotidien qui me sclérose.
Sans être grand lecteur, avez-vous tout de même été influencé par des auteurs ?
Dans les années 1970, existait près de chez moi une bouquinerie poussiéreuse qui proposait des livres d’occasion. Parmi ces piles d’ouvrages se nichaient des revues de bandes dessinées pour adultes. Il s’agissait de courtes histoires d’épouvante qui se vendaient sous les titres de Oltretombe, Creepy, Erry et d’autres encore dont j’ai oublié les intitulés. Ce sont elles qui ont influencé mon approche du fantastique. Lorsque j’étais adolescent, j’affectionnais également les aventures de l’Ombre Jaune contre Bob Morane. À part cette approche du fantastique, mon bagage littéraire s’avère bien menu.
Aujourd’hui, le fait d’écrire, vous a-t-il donné envie de lire davantage ?
Oui, depuis deux ans je m’applique de façon régulière à la lecture. Non pas avec un intérêt particulier pour l’histoire du roman mais pour sa construction. Le style, l’architecture des phrases m’importent davantage que le sujet traité.
Policier, sculpteur, restaurateur, écrivain, quelle est la prochaine étape de votre parcours professionnel ?
J’ai trouvé un équilibre personnel que je pense durable au travers de la sculpture et l’écriture. Aussi, je n’envisage pas d’autre mutation professionnelle... Quoique, je songe parois à l’univers du cinéma.
Quelle est votre méthode de travail ?
Mon travail s’effectue en deux étapes. La première, l’étape manuscrite, se vit aux terrasses des cafés que j’affectionne, devant quelques verres de jeune Genièvre ou quelque Porto de qualité. La seconde étape me conduit dans mon bureau ou je saisis mon texte en le retravaillant sur ordinateur. Ensuite, je laisse dormir le roman un mois ou deux avant de le reprendre et le remodeler. Avant de l’envoyer à l’éditeur, je soumets le roman à deux ou trois personnes qui me font part de leurs remarques puis, viennent la correction finale et l’expédition.
Quelques mots enfin sur l’avenir ?
J’ai écrit trois polars fantastiques dont le premier paraîtra vers le mois de mars 2003. Actuellement je travaille sur une œuvre plus importante sur laquelle je ne dirai mot, mais qui sera terminée dans deux ou trois mois. Je prépare également une exposition de sculptures pour l’année 2003.