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Jean-Pierre Hubert, après des décennies passées à transmettre son goût pour les livres et la littérature à des ribambelles d’adolescents alsaciens, continue une œuvre de prosélyte en proposant à un public de jeunes des textes qui donnent envie de lire. Il s’appuie sur des sujets modernes puisés dans l’actualité, les décale dans un futur difficile, à cause de l’environnement, et offre une véritable histoire pleine de « bruit et de fureur » où le respect de l’autre finit par triompher.
S’inspirant de ces courses et rallyes de plus en plus nombreux à traverser des zones défavorisées, sans le moindre respect pour les populations locales, l’auteur invente le CircumScar. Il s’agit d’une course par étapes, qui en vingt-neuf mille kilomètres, fait le tour d’une planète considérée comme la poubelle des mondes qui l’entourent. La course est réservée aux jeunes de seize à vingt ans qui se répartissent, sur trois catégories de véhicules, entre quatre écuries organisées et des indépendants qui doivent se débrouiller seuls. Il est obligatoire de se faire la guerre. Alors, tous les coups sont permis...
Lean, un indépendant, et Timmy, son nouvel ami sont au départ sur un speedosaure, sorte d’autruche géante mécanisée. Une fanfaronnade de Timmy entraîne la chute de l’engin, une dégradation de ses capacités, ce qui les place, d’emblée, dans les derniers du classement. Comme ils n’ont pas l’argent pour faire réparer, ils se demandent comment continuer ! Au bivouac, ils rencontrent Ti-ole, une indigène qui veut faire équipe avec eux. Plus tard, Lean la surprend à chanter en massant la machine. Elle lui avoue qu’elle soigne le speedosaure qui est stressé.
Mais la planète, ... et la course recèle bien d’autres dangers ... puisque toutes les traitrises sont autorisées.
Jean-Pierre Hubert s’inspire largement du « Paris Dakar » et d’autres compétitions de nantis, auxquelles il emprunte des éléments de décor et des composants organisationnels du CircumScar. Cependant, il souhaite montrer la course de l’intérieur et faire vivre, surtout, le sort des indépendants. Il met en lumière le rôle des sponsors et celui des médias, opposant ainsi intérêts financiers et humanisme. Au-delà des contraintes économiques et de la volonté de profit, il dénonce les hommes qui en sont responsables. Car, en accusant « la Société », « la Mondialisation », on perd de vue, grâce aux médias d’ailleurs, que ce sont des hommes, des individus de chair et d’os qui en sont à l’origine et sont directement la cause de ces situations. La mondialisation sans des actionnaires avides n’existe pas ! Sur cet aspect de la course, l’auteur ne fait rien pour changer l’image de ces univers que l’on sait glauques et impitoyables.
Mais, Sur les pistes de Scar est d’abord une histoire, une histoire à laquelle on adhère avec plaisir et que l’on suit avec grand intérêt, car les personnages sont construits et le scénario raconté avec brio. Son couple de héros : Lean et Ti-ole est remarquable par son profil psychologique et son état d’esprit.
Une réussite de plus pour cet auteur de talent.
Serge Perraud
Sur les pistes de Scar, Jean-Pierre Hubert, Mango Jeunesse coll. Autres Mondes, septembre 2005, 244 pages, 9 €