UNE INTERVIEW EN FAERIE
Samedi 14 heure 45, mon carrosse s’arrête au centre ville, place toujours baignée de lumière quel que soit le temps. Je descends, et sans un regard pour le cocher aux yeux pourpres et aux oreilles effilées bien trop occupé à siroter son hydromel je hâte le pas vers cet entretien auquel m’a convié le hasard malicieux. Son nom ? James Barclay, dernier arrivé sur la scène littéraire et nouvelle étoile anglaise au même titre que David Gemmel. Le soleil moribond étale une légère patine dorée sur la ville qui semble l’accueillir comme la caresse promise par quelque amant de passage. Les gens ont ce regard porté vers cet ailleurs comme si chacun attend que quelque chose se passe, ce je ne sais quoi qui les rend si impatients comme des enfants. Moi je me précipite vers cette rencontre incroyable. Un maître anglais dans cette ville jadis si solitaire. Le sourire au coin des lèvres je rentre dans la librairie de Provence. Un bonjour à Stéphanie qui est toujours aussi belle. Je monte, fébrile, au premier étage et y trouve Laurent Schneitter le jeune apprenti scribe et magicien à ses heures perdues. Son salut chaleureux me rassure et c’est l’air apaisé que je vois enfin cet auteur si célèbre en ses terres moirées de brumes et d’autant de mystères. J’attends mon tour puis m’assois en face de lui. A le regarder ainsi si flegmatique on pourrait croire qu’il est un monsieur bien rangé de la "society" mais son regard de rêveur, son sourire d’enfant font plutôt penser à quelqu’un ayant bu à l’eau qui coule en d’autres terres, des terres sans nom et qui rendent heureux à jamais ceux qui s’y abreuvent. Accoudé à la table sous le porche de l’éternité je me lance dans une petite conversation avec l’homme et l’œuvre. Alain Névant des éditions Bragelonne, son génial découvreur, nous regarde de ses yeux bienveillants et le monde s’efface. Nous nous trouvons dans la salle d’une ancienne auberge léchée par la lumière de quelques bougies fondues qui ont l’air de vieux champignons rabougris sans âges et nous commençons cette interview en Faerie.
SF MAG : Bonjour James et bienvenue à Aix-en-provence. James, te serait-il possible de nous dire ce qui t’a amené à l’écriture de cette saga ? Quelles sont tes sources ?
JAMES BARCLAY : Et bien, contrairement à ce qu’on pense en règle générale mon inspiration ne fut pas vraiment littéraire. Dickens c’est trop vieux, et ma passion pour le genre est née avec les lectures que j’ai pu faire de Howard, Moorcock et Saunders avec maintenant Terry Pratchett qui touche au sublime. Non, ma source d’inspiration principale reste la pratique des jeux de rôle qui furent pour moi autant d’exercices nécessaires à la maturation de mon imagination et qui donnera le monde des Raven.
En te lisant il semblerait que ton cycle, tout en s’inscrivant dans la High-fantasy, semble brasser plus large. Ainsi, à la thématique du groupe d’aventuriers tu y a ajouté des éléments propres à la fantasy barbare.
Effectivement, j’ai préféré sortir un peu des cadres classiques de la bonne vieille histoire de fantasy avec ses héros stéréotypés.
Le barbare, un hommage à Howard et Moorcock ?
James Barclay sourit malicieusement en signe d’approbation.
Connaissez-vous la Fantasy française et si oui qu’en pensez vous ?
Je connais Henry Loevenbruck et Ange mais malheureusement il y a peu de traduction de fantasy française en Angleterre donc peu de possibilité d’en juger la qualité.
Quels sont tes projets d’écritures ?
Après le cycle des Raven je pense me lancer dans une autre saga de Fantasy, mais je songe également à un Space Opera proche de celui de Simon Green (le tome 4 des Raven est prévu en principe pour Mai 2004 chez Bragelonne)
Toujours dans le même genre de fantasy ?
Oui mais en Angleterre on parle maintenant d’un genre plus général, l’ "Heroic fantasy adventures" qui est un terme plus rassembleur.
Le rideau se lève et je sors. Le ciel s’est obscurci mais il semble qu’au cœur de la ville sommeille un enchantement. Et c’est avec cette pensée que j’en déduis quelques considérations sur le genre, sur la nécessité de cette littérature pour réenchanter le monde. Il est 16 heures 30, je croise le regard doré d’une jolie femme et j’ai envie de l’embrasser. Et ensuite ?
Ensuite rentrer chez moi et écrire. Mais où est chez moi ? Ah oui, je me souviens "Seconde étoile à gauche et tout droit jusqu’au matin".
Propos recueillis par Emmanuel COLLOT
JAMES BARCLAY, LE CYCLE DES RAVEN : AUBEMORT, NOIRZENITH, OMBREMAGE, trois volumes chez Bragelonne, 20 Euros par volume
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