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Sommaire - Interviews - Nelson Yu Lik-Wai | |
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"Nelson Yu Lik-Wai" de David LapetinaAll Tomorrow’s Parties Scénariste : Nelson Yu Lik-wai - directeur de la photographie : Yiu-Fai Lai - compositeur : Yoshihiro Hanno. Avec Yong Won-cho (Xuelan ), Diao Yi-nan ( Xiao Zhuai), Wei Wei Zhao ( Xiao Mian) Dans un futur apocalyptique, la Chine et les pays au-delà sont dominés par la secte Gui Dao. Zhuai et son frère Mian se retrouvent capturés par des membres de cette secte et envoyés dans le camp de rééducation "Prospérité" destiné à les faire rentrer dans le rang sectaire. Au bout de plusieurs années, des changements politiques violents mettent un terme au pouvoir de la secte Gui Dao. Le camp "Prospérité" se retrouve brutalement abandonné par les gardiens et les prisonniers recouvrent alors une liberté à laquelle ils doivent se réhabituer. A leur sortie du camp, les deux frères, dont l’aîné s’est entiché de la belle Xuelan, décident d’aller vers le sud, vers l’océan. La réadaptation à la vie courante ne se fait pas sans heurts ni difficultés et chacun avec sa fragilité, sa maladresse tâchera de réapprendre à vivre. Bien que se passant dans l’avenir, le réalisateur et scénariste Yu Lik-wai, n’a pas voulu assommer le spectateur d’effets spéciaux et il nous présente au final un futur qui pourrait bien être très proche de nous. Plus de l’anticipation que de la science-fiction, le film nous accroche parce qu’il nous touche et il nous touche parce que il est comme un miroir. Ce miroir est réalisé de manière simple, point d’héroïsme, point de batailles glorieuses, juste le chaos ambiant et de simples gens, des petites gens qui tentent de s’en sortir. Chacun à sa manière, chacun comme il le peut. Le plus effrayant dans ce film c’est que ces quidams pourraient être vous, moi, n’importe qui. Yu Lik-wai nous rappelle combien nous sommes fragiles et combien nous sommes de simples plumes face aux catastrophes que nous amène le destin. Mais le film n’est en rien pessimiste car ces simples humains font plus que n’importe quel super-héros. Ils se réparent et reconstruisent la société de demain. 7/10 Interview de Nelson Yu Lik-Wai réalisateur et scénariste de All tomorrow’s partiesSF Mag : Pourquoi, dans un film de science-fiction post-apocalyptique, un tel dénuement d’effets spéciaux et d’autres équipements high-tech ? Nelson Yu Lik-Wai : Dans mes choix esthétiques, j’ai toujours une attirance pour les films de science-fiction et fantastiques mais d’un genre très naïf, un peu comme dans les films muets. Ça a aussi un côté enfantin ; je n’aime pas la science-fiction trop moderne car trop vue, trop conventionnelle. Je préfère les films comme Brazil (de Terry Gilliam) qui ont de l’humour et sont plus proches d’une réalité quotidienne. Il y a des moments où j’ai essayé de rendre hommage aux films muets, par exemple dans les séquences aux montages très rapides, avec des animations, c’est ce qui m’intéresse. SF Mag : Personnellement j’ai trouvé le film très beau, très esthétique : où avez vous tourné ? NULW : Le lieu de tournage se situe à l’extrême nord de la Chine, à la frontière d’avec la Mongolie. C’est une ville de mines qui a eu son importance dans les années 50/60 lors de la forte demande de charbon. Mais ces dernières années l’endroit a été déserté. La première fois que j’y suis allé pour faire un repérage avec un autre réalisateur pour un documentaire, j’ai tout de suite flashé. J’ai pensé que c’était un chouette décor pour faire un film autour d’une histoire insolite. Ma première inspiration pour le film vient de cette découverte. Après coup j’ai construit mon scénario. SF Mag : Ce lieu a-t-il aussi une valeur symbolique au niveau de l’histoire chinoise et de ce qui se passe dans le film ? NULW : Non, c’est totalement fictif. Le seul lien qui est vraiment important pour moi se trouve au tout début du film, quand tu vois le Bouddha (c’est dans la même ville). C’est un héritage historique, classé, c’est un site bouddhiste important. Mais à part cela, c’est fictif, il n’y a pas eu de camps là bas. SF Mag : Justement, concernant les camps, cette notion de rééducation n’est-elle pas très orientale dans la mesure où les camps en Europe ont été soit des camps de travail soit des camps d’extermination ? NULW : Les camps de rééducation sont surtout apparus avec les communistes pendant la révolution culturelle. C’est pour faire un vrai lavage de cerveau qu’on interne les gens. Je ne pense pas que cela soit typiquement chinois, c’est la tradition communiste. SF Mag : Vous avez fait vos études en Belgique. Quel en est l’impact sur votre travail ? NULW : L’éducation européenne m’a surtout marqué par son côté formel. C’est à dire tout ce qui est technique, le langage du cinéma. Mais quand je travaille, je le fais avec les matières premières proches de moi. J’ai par contre été beaucoup marqué par des cinéastes comme Antonioni ou Besson dans l’approche cinématographique. Mais sur le fond, c’est plutôt propre à ma culture. SF Mag : A propos de votre culture, justement, ce futur apocalyptique que vous décrivez pourrait se passer actuellement. N’avez vous pas eu de souci avec les autorités en place au niveau de la censure ? NULW : Oui j’ai eu pas mal de problème mais cela n’est pas forcément lié au sujet. En Chine, il y a un cinéma indépendant qui n’est pas diffusé à l’intérieur du pays. La seule punition infligée, c’est donc que ces films ne seront pas vus pas les Chinois. Mon film n’est donc pas un cas exceptionnel. Il fait partie de ces productions qui ne verront pas le jour en Chine. Bien sûr, c’est un sujet sensible mais je ne crois que ce soit un film particulièrement problématique pour les autorités. SF Mag : Au niveau des prises de vues, il y a des grands ensembles dévastés, des appartements ravagés, sont-ce des décors réels où alors des images de synthèse ? NULW : Ce sont des décors naturels, il n’y a pas eu une seule construction pour le film. Nous avons eu quand même pas mal de boulot à la post-production pour faire les retouches afin d’accentuer les ambiances précaires avec des fumées ou avec des immeubles un peu délabrés. Ce sont des retouches, pas de gros effets spéciaux, plutôt comme un coup de peinture. SF Mag : Un thème revient assez souvent dans le film, c’est celui du train. Y a-t-il une symbolique ? NULW : Non. Ou alors c’est inconscient. J’aime bien les trains, c’est un moyen de transport qui m’impressionnait et qui m’impressionne toujours. Je ne fais pas de rapport avec les camps de concentration car ce n’est pas ma culture, c’est un moyen de transport archaïque mais qui est impressionnant. SF Mag : Le souci avec le train c’est que l’on a aucun contrôle sur la direction. NULW : C’est peut être effectivement un symbole inconscient. On a une liberté mais on est emprisonné par cette liberté car on ne sait pas quoi en faire. C’est un peu comme dans la vie quotidienne, on se sent libre mais on est mené par un pouvoir et, au final, on n’est pas si libre que ça. SF Mag : Cela rejoint ma question suivante. Ce qui est intéressant dans votre long métrage, c’est que les personnages pourraient être n’importe qui. Cela change des visions post-apocalyptiques avec des super-héros invincibles et c’est vraiment très touchant. Vous avez montré comment tout le monde réagirait si cela nous arrivait demain. NULW : De toute façon, les super-héros ne m’intéressent pas car que c’est un peu l’homme divinisé et je me sens plus proche des petites gens. C’est à l’image humaine que je construis mes personnages avec toutes leurs faiblesses, cette fragilité humaine. Dans ce film il y a une hypothèse : après une catastrophe on doit faire un choix, on doit recommencer une vie. Le personnage principal refuse de reprendre une vie normale car cela signifie recommencer les erreurs qu’il a commises avant. Donc, pour moi, c’est plutôt la recherche d’une alternative qui est intéressante. Mais je ne propose pas de solution car je ne suis pas philosophe, je ne sais pas ce que serait cette alternative mais je crois qu’elle existe quelque part. C’est comme la fin du film, c’est ouvert. SF Mag : Pour en revenir à la science-fiction, vous avez dit que, pour vous, la technologie n’avait pas tant avancé que ça, ces cinquante dernières années. NULW : Matériellement parlant, je crois que l’on a beaucoup évolué. Je ne suis pas contre la modernité mais notre évolution matérielle n’est pas couplée avec une évolution spirituelle. Il y a un décalage, il faut que l’esprit humain évolue pour maîtriser cette technologie. SF Mag : Et vous pensez qu’un futur apocalyptique tel que vous le décrivez permettrait de réaligner l’évolution spirituelle et l’évolution technique ? Car sans technologie on est obligé de faire un retour sur soi. NULW : Pour moi cette introspection est liée à ma culture. Parfois quand je vais trop loin, je préfère m’arrêter et me regarder, m’intérioriser pour voir ce qui est vraiment à l’intérieur. C’est aussi le sujet du film, c’est la situation dans les pays asiatiques en ce moment, nous avons une modernité avancée mais c’est un peu trop violent. Dans cette course, on sacrifie beaucoup de choses y compris les valeurs qui nous sont chères. C’est pour cela que je propose de nous arrêter un peu et de faire une introspection collective. Bien sûr ce n’est pas une catastrophe que je souhaite, c’est une fable mais à travers cette fable j’ai souhaité qu’on s’interroge, que l’on se regarde comme dans un miroir. Propos en français recueillis par David Lapetina
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