"Renouveau cyclique du film catastrophe"
Sébastien Nuttin
L’esprit humain est animé par cette contradiction intrinsèque qui fait que lorsque survient un terrible drame, chacun est omnibulé par les nombres de victimes, et le travail acharné des secours. Pas étonnant que depuis que le cinéma existe, le film catastrophe en soit une composante importante, alors que le genre n’est pas reconnu en tant que tel. On lui substitue le genre action ou drame, qui ne reflète pas toujours la teneur exacte des évènements relatés dans de tels films. Mais soit, gageons qu’un tel genre n’est jamais été nécessaire pour définir ce type de productions, il n’empêche que les films catastrophe existent bel et bien depuis le début du siècle. A travers de bref historique, tentons de trouver ensemble les raisons et les recettes d’une telle pérennité.
Les débuts.
Dès la fin des années 1890, quelques productions mettent en scène les premiers drames humains causés par des catastrophes. Mais il faut attendre le début du siècle pour voir arriver sur les écrans des documentaires dramatiques avec les premières reconstitutions narratives. En effet, en 1906, déjà, est réalisé The San Francisco Disaster qui décortique le tremblement de terre qui a ravagé la ville quelques semaines auparavant. Ce qui est nouveau à cet instant, c’est l’utilisation de maquettes et des premiers effets spéciaux pour montrer à l’écran la force et la puissance des forces mises en œuvre lors de ce séisme.
Ce film est le seul réel film catastrophe tourné avant la 1ere guerre mondiale. En fait, la plupart des narrations dramatiques imputées aux films catastrophe voient le jour après 1915. On dénombre une dizaine de films à cette époque, dont l’impact est souvent renforcé par le fait qu’ils soient muets. On retrouve des films ayant divers thèmes : tremblements de terre, inondations, éruptions volcaniques, etc.... Le tout, sur fond de tragédie de type Romaine - Cornélienne. Ces films sont pour la plupart des fictions articulées sur des évènements fictifs, et même si quelques-uns tentent le pari risqué de raconter de véritables catastrophes, la plupart d’entre eux les effleurent simplement, prenant pour cadre une histoire d’amour, ou un drame familial.
Premiers pas des grosses productions.
Les années 30 et leur cinéma parlant marquent le premier tournant de la révolution culturelle dont profitera le genre catastrophe. En effet, ces années sont synonymes de grosses productions, et certains films font de véritables tabacs au box office. En 1936, San Francisco met en scène une distribution extraordinaire - Clark Gable notamment -, et devient un des fleurons du genre. En effet, le montage rapide utilisé pour la reconstitution du grand tremblement de terre de San Francisco en 1906 est un moment d’exception dans le cinéma des années 30. Et cette reconstitution a demandé des trouvailles extraordinaires, en terme de modélisation de maquettes, de mises à l’échelle des personnages de premier plan, et une utilisation poussée de la rotoscopie, qui permettait d’incruster les acteurs sur les fonds obtenus en studio. Mais il existe bien d’autres films de cette période mettant en scène des reconstitutions techniques tout à fait crédibles d’événements dramatiques, réels ou fictifs : Les derniers jours de Pompéi, en 1939 ; China Seas, en 1935, toujours avec Clark Gable, sur fond de tornade, également L’ouragan, en 1937, dont le remake sera réalisé en 1979 avec Mia Farrow.
Toutes ces productions copient à peu près le même modèles en terme de scénario : les protagonistes sont présentés les un après les autres, au travers de leurs déboires amoureux, de leurs problèmes psychologiques, ou d’autres trames dramatiques. Ensuite survient la catastrophe en elle-même, comme ultime théâtre d’une vie de non-sens dans lequel les personnages trouvent un souffle de vie qu’ils mésestimaient jusqu’alors.
L’âge d’or des années 70.
La période clé du film catastrophe s’articule autour des années 70, et de la révolution qu’ont amenés les trucages optiques, dont les progrès ont été fulgurants à cette période, ainsi que les budgets alloués par les studios, qui permettaient d’explorer des pistes bien plus vastes en terme de narration, n’étant plus limités en terme d’argent disponible.
Les fleurons du genre sont nés à cette période là. Mais dès la fin des années 60, on notait l’arrivée de films à la narration particulièrement dramatique, articulée autour notamment de casting prestigieux. Ainsi, en 1965, Richard Attenborough, Ernest Borgnine et James Stewart se retrouvent dans Le vol du Phoenix, racontant l’histoire de 12 hommes rescapés d’un crash aérien en plein désert du Sahara, qui vont se fixer pour mission de construire un nouvel appareil avec les restes de celui qui s’est écrasé. De même, en 1969, les prémices de films relatant des drames spatiaux voient le jour dans le film Les naufragés de l’espace, avec là aussi un casting prestigieux (Henry Fonda, Gene Hackman, etc...).
Le début des années marquent donc un retour en force des films catastrophe, avec de très grosses productions, auxquelles les co-producteurs Irwin Allen et John Guillermin apportent une renommée au-delà de tout ce qui était espéré. En 1972, L’aventure du Poseidon fait un véritable tabac et annonce un retour en force du genre. Le plus gros carton de tous les temps dans le genre reste à imputer à La tour infernale, mis en scène par les deux hommes, Guillermin et Allen, et dont le casting flamboyant (Steve McQueen, William Holden, Paul Newman, Robert Wagner, Faye Dunaway, Fred Astaire, Richard Chamberlain, etc...) est la preuve qu’il manquait au public que le film catastrophe était un genre noble, autant que ne l’était le film de guerre ou la comédie romantique. On compte alors une pléthore de films entre 1974 et 1980, lorsque le matraquage commence à faiblir, et le public à déserter les salles de cinéma pour se tourner vers un genre en pleine expansion à cette période : la science-fiction !
Citons quelques uns de ces films mémorables (réussites ou échecs) : L’odyssée du Hindenburg, L’essaim sauvage (TV), L’ouragan, Avalanche, Le pont de Cassandra, Renflouez le Titanic, Météor, Les dents de la mer, etc... Tous ces films sont autant de souvenirs pour beaucoup de nostalgiques, tant le genre a marqué cette décennie, au même titre que les hippies ou la course à la conquête spatiale.
L’oubli et le renouveau.
Dans les années 80, l’avènement de la science-fiction fait de l’ombre, particulièrement néfaste au catastrophe, et les productions du genre s’enlisent dans des scénarios complètement irréalistes pour tenter de tirer leur épingle du jeu. Rien que l’année 1980 compte trois flops majeurs : Virus, Renflouez le Titanic et Le jour de la fin du monde. Et pourtant, chacun exhibait un casting volontairement haut de gamme. Mais rien n’y fait, et la suprématie des Star Wars et autres Superman au box-office relègue le genre catastrophes aux oubliettes. Une indigestion de récits du même type est sûrement à l’origine d’une telle perte de régime. Le filon a été usé jusqu’à la corde, et les spectateurs voulaient voir quelque chose de nouveau. Et même si quelques films misant sur l’anticipation (Wargames de John Badham, en 1983), le catastrophe est en berne.
En fait, il faut attendre de début des années 90 et une nouvelle révolution dans les effets spéciaux pour voir revenir, mais cette fois-ci progressivement, le genre aux premières lignes du box-office. Et encore, le redémarrage de ces années-là se fait timidement.
Twister, en 1996, profite manifestement de l’effet 3D, et pour une des premières fois à l’écran sont montrées des tornades dont les courbures et le chemin sont tout simplement pré-calculés par un ordinateur. La même année, Roland Emmerich nous libre une vision complètement apocalyptique du remake de la guerre des mondes, à grand renforts d’effets numériques, tout à fait bluffant au demeurant. Dès lors, les majors s’engouffrent dans la brèche pour proposer leurs visions des catastrophes les plus terrifiantes que pouvaient proposer les scénaristes. En mettant de côté l’incontournable Titanic, qui lui, met en scène le récit d’une histoire vraie, Le pic de Dante et Volcano sont les deux plus grosses productions de 1997, mettant en concurrence deux narrations complètement différentes d’éruptions volcaniques contemporaines. Ici, rien n’est vrai, tout n’est que pure invention, et la débauche d’effets spéciaux devient le leitmotiv du film.
Après la guerre incontestée de ces blockbusters, 1998 voit fleurir les remake d’histoire plus classiques, notamment Météor dont les remake Deep Impact et Armageddon, se disputent le box-office. Et c’est sans compter la version high-tech de Godzilla, du même Roland Emmerich. Globalement, ces productions se démarquent par un manque flagrant d’imagination, force est de le constater, et par une utilisation savante et complexe des effets numériques 3D nouvelle génération.
La relève.
Depuis 2000, les narrations catastrophes tournent plus autour du contenu que du contenant. Les erreurs du passé semblent avoir été digérées et analysées. Ainsi, en 2000, Wolfgang Petersen réalise-t-il En pleine tempête, qui retrace cette terrible histoire vraie de marins disparus en mer. Et depuis 2000, les films catastrophe s’attachent plus à une véritable narration, qu’à une utilisation abusive des nouveaux moyens de représentation graphique qu’offrent les ordinateurs aujourd’hui. Mais attention, personne n’est à l’abri d’une rechute...
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