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Sommaire - Interviews - Michel Weyland | |
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"Michel Weyland" de Nicolas SumienA 59 ans, Michel Weyland est l’un des piliers de la BD fantastique franco-belge. Son héroine, Aria, nous fais rêver depuis 25 ans. C’est tout en simplicité et gentillesse que ce grand monsieur du 9ème Art a répondu à nos questions. NS : Le 28ème tome d’Aria, l’Elixir du Diable, est sorti en ce début d’année 2006. La série a atteint le quart de siècle. Pensez-vous qu’un nouveau lecteur puisse entrer dans cet univers sans avoir lu toutes les aventures précédentes ? Est-ce que le phénomène de longévité ne rend pas la série hermétique à un lectorat non-initié ? MW : On peut très bien découvrir la série par le dernier tome, ou n’importe lequel d’ailleurs. Il n’y a pas réellement de suite logique dans Aria. On peut prendre en cours de route sans avoir à connaître le 1er volume. Il n’y a pas de règle. De temps en temps, je fais une allusion à un titre précédent, mais rien n’oblige de le consulter pour comprendre l’épisode en cours... NS : Comment vous est venu l’idée de cette série ? MW : C’est une série qui m’est venue tout à fait par hasard. Je dessinais un peu spontanément, sur un bout de papier en téléphonant, comme on fait tous, et je me suis aperçu que je dessinais souvent le même type de personnage. Alors un jour, je lui ai ajoutée une épée, je l’ai associée à un cheval, par curiosité, puis j’ai projeté les idées de base de l’univers où elle évoluerait et ça a donné Aria. Mais je ne pensais pas en faire une série, seulement une histoire, et pour la suite « on verrait bien »... J’ai proposé le projet au Lombard à l’époque, et c’était parti. C’est donc un peu un hasard qui est à l’origine de tout ça... NS : Et d’où vous vient ce goût pour l’heroic-fantasy ? MW : Je ne sais pas si ce que je fais peut être vraiment considéré comme de l’heroic-fantasy pure...Ceci dit, c’est vrai qu’on a du mal à cibler Aria. Disons que le côté imaginaire un peu fantastique-médiéval, ça vient surtout de mon graphisme. J’ai plus de facilité à dessiner de vieilles maisons en pierre, des objets anciens ou imaginaires que des villes en béton, des tours de verre et des choses ultra-réalistes. J’ai toujours eu un faible pour le Moyen-âge et l’Antiquité. Ca me donne une sensation d’évasion du réel. C’est ça Aria pour moi, une évasion dans le rêve. Pour moi, c’est mieux que de partir au Club Med dans les îles, ça me sort vraiment du train-train quotidien. D’autant que je n’ai aucune contrainte avec cet univers, pas de risque d’anachronismes, je ne suis pas freiné par un contexte historique, vestimentaire, etc...C’est cette liberté qui me passionne ! NS : Comment avez-vous débuté dans le métier ? MW : Longtemps avant Aria, j’ai commencé en faisant des petites BD d’humour et de science-fiction, qui sont passées dans Tintin, aux alentours de 67-68. Ca s’appelait Stereo-Land. Puis j’ai arrêté, j’ai travaillé dans la photogravure plusieurs années, et c’est au bout d’un « arrêt de dessin » d’une bonne dizaine d’année que je commencé Aria. J’avais 33 ans. Finalement, je n’ai jamais réellement appris le métier de dessinateur de BD, je suis arrivé avec quelques notions issues de l’école, des cours d’arts plastiques de base, mais travailler dans un style réaliste sur Aria, ce n’était pas évident au départ...Mais ça me plaisait alors j’ai persévéré... NS : Vous avez l’habitude de faire vos albums de A à Z, sauf les couleurs. Vous n’avez jamais été tenté de travailler avec un autre artiste au dessin ou au scénario ? MW : Non, pas vraiment, surtout en ce qui concerne le scénario, parce que c’est ce qui me procure le plus de plaisir. Je m’amuses beaucoup plus en écrivant l’histoire qu’en la dessinant, je suis beaucoup plus libre. Le dessin, étant donné le style de cette série, demande beaucoup de travail, de maîtrise, de sérieux...Je mets une semaine pour dessiner une planche, c’est très détaillé. Remarquez cela dit que le scénario me prend souvent autant de temps...Il m’arrive de passer une journée entière à peaufiner le dialogue d’une seule page. C’est souvent un travail qu’on ne voit pas clairement à la lecture, mais qui permet d’avoir un rythme dans les réparties, une clarté dans les intentions des personnages, bref tout un tas des choses qui facilitent la lecture au final... NS : Quels sont les artistes qui vous ont donnés envie de suivre cette voie ? MW : Tout d’abord il y a l’auteur de Corentin, Paul Cuvelier, dont on entend malheureusement plus beaucoup parler depuis qu’il nous a quitté. Ca date des années 50-60. Hermann m’a beaucoup impressionné. Rosinski, Giraud aussi. Et bien sur Franquin. Mais je n’ai pas cherché à les imiter. C’est juste que leur dessin m’a fasciné. NS : Quelle place tiennent le fantastique, la fantasy, et la SF dans votre imaginaire ? MW : C’est difficile de répondre. Disons que ça vient automatiquement, ça saupoudre mes idées. J’aime le côté poétique de ces genres. Mais j’essaye de rester droit dans mon écriture, de ne pas déraper dans une fantasy trop spectaculaire et gratuite. Ca doit juste donner un petit plus, pas être le fond de l’histoire. NS : Quel est votre regard sur la production actuelle en heroic-fantasy, tous supports confondus ? MW : Ah, il y a des tas de choses qui me passionnent. Je revois volontiers le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, on peut dire que je rentre dedans comme dans du beurre ! (rires) Le cinéma permet une formidable évasion avec les moyens actuels ! Le Monde de Narnia a l’air bien aussi ! Mais je n’ai pas eu le temps d’aller au cinéma ces derniers jours. Sinon, j ’avais bien aimé le 1er film sur Conan . Et dans un autre style, Rencontre avec le Dragon était bien également. NS : Il y avait eu des rumeurs d’adaptation d’Aria en série d’animation. Où en est ce projet ? MW : Ce projet n’a jamais existé, ce ne sont que des rumeurs justement. Mais j’aimerais bien que ça se fasse un jour. Seulement là, ça ne dépend pas de moi, mais de mon éditeur. C’est à lui de contacter les producteurs, les réalisateurs...Mais j’aimerai voir Aria en film, c’est sur. Et si c’était possible, pouvoir y participer activement, garder un œil sur mes personnages, mais c’est à priori quasi-impossible à de rares exceptions près. Les adaptations cinéma ou télé n’ont souvent plus grand rapport avec la bd originale, même en dessin-animé. Bien souvent l’auteur n’a pas son mot à dire. Regardez les Chevaliers du Ciel, ça ne cadre plus du tout avec ce qu’avait crée Uderzo, même si le film se laisse voir. Ce sont les risques. NS : Depuis le 1er tome de la série, vous avez laissé les couleurs à votre femme, Nadine Weyland. Est-ce difficile de travailler en couple ? MW : Non, bien au contraire ! Je remercie le ciel d’avoir une épouse qui fasse mes couleurs ! (rires) C’est génial. Il faut dire qu’on a les même goûts tous les deux... Par contre, j’ouvre une parenthèse : pour ce nouveau tome, elle a assuré la couleur par ordinateur, à la différence des précédents opus ! Et ce n’est pas, comme on pourrait le croire, pour gagner du temps, car elle met presque plus de temps qu’avant pour finir une planche. Mais elle a beaucoup plus de possibilités pour fignoler, pour jouer sur les contrastes d’avant et d’arrière-plans. Le résultat est beaucoup plus poussé, plus pointu. Par contre, toute la difficulté est de conserver l’effet « fait-main », car on peut vite tomber dans l’artificiel. NS : Lorsqu’on travaille depuis 25 ans sur une série, n’a-t-on pas, parfois, une sorte de lassitude envers les personnages ? Est-ce que vous arriver à les redécouvrir à chaque album ? MW : Peut-être que le public se lasse, mais moi non ! (rires) Je vous donnez un scoop, j’ai déjà en tête les éléments du 30ème tome, qui se déroulera dans un cadre totalement différent, dans un pays assez similaire aux Indes. C’est une première dans l’histoire d’Aria ! Comment s’ennuyer dans ces conditions ? NS : Quels sont vos futurs projets ? MW : Je suis déjà sur l’histoire suivante. A la page 21 pour être exact ! Aria retourne dans son château, et va devoir faire face à un drame. Mais je ne veux pas vous en dire plus, car vous n’auriez plus de surprise à la sortie de l’album ! (rires) Je vais juste vous révéler que dans cette histoire, c’est une page de la saga qui se tourne. A part cela, en parallèle d’Aria, j’ai réalisé un autre projet, mais je le laisse encore un peu de côté, car la difficulté est d’arriver à le développer sans que cela soit au détriment du rythme de parution d’Aria, auquel je tiens énormément par respect pour les lecteurs. La solution sera peut-être celle proposée par mon éditeur, à savoir de ne réaliser pour ma part que le scénario et de le confier à un autre dessinateur. Restera à trouver quelqu’un avec qui ça collera ! (rires) Voir la critique de Aria T28 par Nicolas Sumien dans la rubrique "BD" :
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