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Avec Jeff Goldblum, Geena Davis, John Getz.
FPE Vidéo
Il fut une époque où David Cronenberg fut considéré comme un génie. Celui qui se forma une image de cinéaste de l’horreur scientifique via ses premiers films, à savoir « Frissons », « Rage » et « Chromosome 3 », gagna quelques degrés de reconnaissance plus « large » avec « Scanners », et continua sur cette voie avec ce qui demeure encore à ce jour sa meilleure carte de visite quant à sa fascination pour la « chair », le toujours très hermétique et pourtant si fascinant « Vidéodrome », son premier chef-d’œuvre. A l’époque, Cronenberg ne voulait pas céder au chant des sirènes d’Hollywood mais force d’être courtisé, il finit par trouver un sujet plus commercial et qui en même temps possédait bien des éléments communs à ses films précédents. Ce fut « Dead zone », un autre chef-d’œuvre du cinéaste canadien, le meilleur rôle de Christopher Walken à ce jour, une des adaptations d’un roman de Stephen King les plus réussies, un beau succès commercial, bref la carrière de David Cronenberg prenait un nouveau tournant. Qui stagna quelques années avec bien des projets avortés. Et puis vint « La mouche », que suivit le sublime « Faux semblants », ses adaptations du « Festin nu » de Burroughs et de « Crash » de Ballard . Et là s’arrête la carrière haut de gamme de Cronenberg : « Existenz » demeure encore aujourd’hui son film le plus faible, « Spider » possède une personnalité trop sérieuse venant de lui, ce qui le dénature en partie. Heureusement, 2005 vit le grand retour de David Cronenberg avec l’excellent « A history of violence ». Revenons à « La mouche ». Ce remake d’un classique de la SF mâtiné d’épouvante trainait depuis quelques temps dans les tiroirs. Après bien des déboires, Mel Brooks, alors producteur, réussit enfin à faire signer Cronenberg pour réaliser le film. Grand bien lui fit, « La mouche » demeurant le plus gros succès commercial de David Cronenberg, et surtout son chef-d’œuvre le plus apprécié.
Scientifique réputé, Seth Brundle (Jeff Goldblum, n’a jamais eu de meilleur rôle à ce jour que celui-ci !) invite une journaliste, Ronnie (Geena Davis, sa femme à l’époque, c’était pour ma minute « people » !) à partager le secret de sa réussite : il arrive à téléporter des objets. Mais il tient à ce que cela reste secret jusqu’à ce que le succès soit complet, à savoir la téléportation d’êtres vivants dont l’homme. Ronnie accepte et un marché est scellé : elle filmera tous ses progrès et en échange écrira carrément un livre. Mais tous les essais de Brundle sur du vivant, de la chair, échouent. En même temps, une idylle se lient entre eux deux dont sortira pour Seth la solution à ses échecs. Quand enfin l’expérience marche, il fait une crise de jalousie à l’encontre de Ronnie et sous le coup de la colère, teste sa machine sur lui. Et il se retrouve dans le second module, succès total sauf que... Une mouche s’est glissée avec lui dans le premier module et ce qui en ressort, c’est une fusion homme-mouche qui va conduire Seth à la plus abominable métamorphose jamais vue.
La force de « La mouche », c’est un scénario en béton, très sérieux, ne cédant jamais au Grand-Guignol comme dans le modèle originel. On devine aisément ce qui a motivé Cronenberg pour se lancer dans l’aventure, à savoir un nouveau biais pour traiter d’une de ses obsessions, celle de la « nouvelle chair », fusionnelle entre plusieurs éléments. Là où le seul Fantastique aurait pu faire dévier son film vers une simple série B, Cronenberg revoit avec le scénariste Charles Edward Pogue (on lui doit l’excellent « Psychose 3 » que réalisa Anthony Perkins) l’aspect scientifique et surtout le lien avec l’ordinateur qui put faire marcher la téléportation de matière vivante, à avoir une touche de « poésie », de « fantaisie » inscrite dans les données qui recréé non seulement la matière mais lui donne aussi son identité. Une excellente idée qui débouche naturellement, quand la mouche entre dans le téléporteur de Seth, à non pas deux corps vivants transportés mais à un seul fusionné du mieux possible ! Et tout le film repose ainsi sur cette intelligence des données, des actes, des comportements pour nous faire croire à l’inconcevable. Si Goldblum crève littéralement l’écran, il faut entendre dans le commentaire audio les louanges de Cronenberg à son égard, de son implication dans le rôle, etc... Mais le résultat est là, et vingt ans plus tard, il demeure toujours aussi efficace. Maintenant, cette édition dite « Prestige » propose en second disque un très long making-of passionnant, où chaque protagoniste du projet revient sur sa genèse, dont même un autre réalisateur envisagé initialement et qui se retira suite au décès accidentel de sa fille lors de ses vacances ! Dire ça comme dans un entretien public, ça secoue un peu. Autrement, tout y est, les doutes, les révisions du scénario, les doutes de Cronenberg, sa décision finale, le tournage, tout ! Une fois digéré ça, il restera encore des scènes inédites dont une fin alternative étrange et complètement surréaliste au point que la garder aurait nui à la réussite du film (si, si, le bébé-papillon, ça vaut quelque chose !), plus quelques autres bricoles dont la plaisir se découvrira au fur et à mesure qu’on avancera (je n’ai pas trouvé le bonus caché, hein, donc cherchez si ça vous tente !). Mais une chose est certaine : il s’agit bel et bien là d’un superbe Edition Prestige, qui permet d’abord de redécouvrir un des chefs -d’œuvre du fantastique, un de David Cronenberg, et ensuite de plonger dans des coulisses qu’on n’imaginait pas aussi riches. Un bonheur total !
Note : 10/10 DVD : 10/10 (copie excellente, format d’origine 1.85, image 16/9ème compatible 4/3)
Bonus (vostf) : disque & : commentaire audio de David Cronenberg ; disque 2 : making of (130 mn) , scènes coupées dont fin alternative, essais techniques filmés, articles interactifs, featurettes « Behind the scenes » & « Portrait of David Cronenberg », bandes-annonces, galerie photos.
Stéphane THIELLEMENT
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