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Avis de Valérie
Question espion, le cinéma a connu des époques plus prolixes. Après l’effondrement du mur de Berlin et du communisme, Hollywood s’est retrouvé à réchauffer quelques braises pour finir par laisser le feu mourir à l’exception de la franchise James Bond.
Puis vint Mission Impossible. Le premier opus fut quelque peu confus et ne rappelait que de très loin la série éponyme. Ce fut pourtant un succès. Tom Cruise s’éclatant dans le rôle de Ethan Hunt (ce Superman de 1m70) continua avec un deuxième épisode qui n’eut que comme qualité de montrer que Tom savait vraiment faire ses propres cascades et prendre de réels risques. Enfin, un petit film qui n’espérait pas tant de succès déboula dans les box office du monde entier avec une gueule d’ange en guise d’espion formé pour tuer : Jason Bourne (interprété par Matt Damon, tout étonné qu’il fût par le succès rencontré). Bourne Identity a réellement donné un souffle nouveau au genre avec non seulement un scénario moins fantoche, contrairement aux James Bond et des cascades plus proches de la réalité. D’ailleurs, comment croire qu’un Anglais pourrait avoir autant de sex appeal qu’un Sean Connery (Ecossais) ou Pierce Brosnan (Irlandais) ? Pour preuve, Johnny English (interprété par Rowan Atkinson) est en tout point ce à quoi doit ressembler un vrai espion anglais (les gaffes en moins, on l’espère). Pour terminer avec ce tour d’horizon des agents secrets, il ne faut pas oublier Austin Powers avec une franchise florissante dans laquelle, Tom Cruise est apparu en forme de clin d’oeil parodique ! La boucle est bouclée.
Tom Cruise a su tirer la bonne leçon des expériences précédentes en choisissant un scénario qui reprend les bases de la série (l’équipe polymorphe et pratiquement omnisciente) et mélange mission et vie quotidienne. La direction des acteurs à été attribuée à JJ Abrams qui s’en sort parfaitement et nous offre pour l’occasion un très bon film d’action, crédible (enfin, le rythme soutenu nous pousse à pardonner certaines incohérences trop visibles) où Ethan Hunt/Tom Cruise est enfin humain, excellent à de multiples niveaux, mais ayant un coeur, une âme, des larmes... Un homme quoi. Le couple formé avec Michelle Monaghan (très bonne, on l’avait déjà remarquée dans Kiss Kiss Bang Bang et L’affaire Josey Aimes) fonctionne à merveille même si leur bonheur radieux est parasité par le couple Holmes/Cruise de par la ressemblance de la compagne de Cruise avec la jeune actrice qui joue sa fiancée dans le film.
L’intrigue est relativement classique et n’offre que peu de surprises. Par contre les cascades toutes effectuées par le producteur/acteur sont exceptionnelles et l’interaction avec l’équipe réchauffe l’ambiance. On peut enfin s’intéresser à l’équipe de surdoués de l’espionnage avec notamment Ving Rhames (le nouveau Kojak) qui a été de toutes les aventures, Keri Russell (héroïne de Felicity de JJ Abrams) extraordinairement convaincante dans son registre, Jonathan Rhys Meyers dont le physique à la limite du fluet a pourtant rempli son rôle et la magnifique Maggie Q qui complète à merveille l’équipe. Dans les bureaux on retrouve Laurence Fishburne, ambigu à souhait, Billy Crudup, un peu trop transparent et interchangeable, et Simon Pegg (Shaun of the dead) dans le rôle de l’anglais débrouillard et emprunté.
Le méchant lui se distingue par ses très mauvaises manières que toute mère digne de ce nom réprouverait. Il est vilain, sadique et sans pitié. Philip Seymour Hoffman prête ses traits d’ange blond légèrement fané à ce personnage pour en faire un affreux notable, bien que peu présent. On en aurait redemandé sans souci.
La fin du long métrage laisse penser à une nouvelle ère et visiblement à une suite (impression confirmée lors de la conférence de presse du lendemain). Ce troisième tome est le meilleur, de loin, et devrait plaire aux fans des films d’aventures qui n’apprécient que peu les Bondieuseries à la limite du ridicule. Véritable blockbuster de qualité, il n’y a aucune raison de ne pas se faire plaisir en allant le découvrir en grandes salles pour profiter du son et de la qualité de l’image.
L’avis de Stéphane
Note : 4/10.
Il en aura mis du temps à voir le jour, ce troisième opus de « Mission : Impossible ». Dernier en date qui avait fait saliver bien des amateurs avant de se séparer du projet pour causes de « différences artistiques » (formule des plus diplomatiques pour autre chose mais ça, on ignore quoi !), Joe Carnahan remarqué par Cruise pour son remarquable polar noir « Narc » que l’acteur prit sous son aile de producteur pour l’aider à sa distribution. Carnahan est amateur de polars urbains, noirs, mélangeant une action des plus réalistes aux conflits psychologiques de ses personnages. Actuel propriétaire de la franchise, Cruise ne s’est jamais caché qu‘il souhaitait une inspiration différente pour chaque épisode.
Après la touche De Palma pour un premier volet qui trahissait un peu la série en faisant du mentor Jim Phelps un traître (seul vrai bémol du film, après quelques visions, même de la part de ses plus ardents détracteurs...), après une version très opéra dans l’action signée John Woo, Cruise souhaitait donc un retour aux sources, à l’équipe, à plus d’histoire au détriment d’une action non-stop. Louable vœu, mais encore fallait-il le concrétiser. Après l’éviction de Carnahan, c’est du côté de la télévision que la production cherche son réalisateur et le déniche en la personne de J.J. Abrahms, star actuelle avec les succès de « Alias » et « Lost ». Bon, passer du petit au grand écran peut révéler de vrais talents, c’est vrai. Mais parfois, il peut aussi confirmer que pour certains, leur vrai domaine restera celui de la télévision.
Ethan Hunt n’est plus espion, il enseigne son métier aux nouvelles recrues, il va se marier, il aspire à une autre vie. Pourtant, on lui demande de rempiler une dernière fois pour sauver une ancienne élève qui pouvait contrecarrer les plans du plus grand trafiquant d’armes actuel, Owen Davian. Suite à la mort de sa protégée, Hunt prend à cœur l’arrestation de ce nabab du crime. La mission est un succès sauf qu’elle signifie aussi pour Hunt une vengeance sans limites de la part de Davian, qui s’appliquera d’abord et avant tout à ses proches.
Une ouverture saisissante, des personnages plus humains sont au cœur de l’intrigue, une première partie impressionnante ou on y retrouve même l’esprit « Mission : impossible » et puis, tout dérape. Davian, présenté comme un empereur du crime ayant une armée pour le sauver, devient un vulgaire trafiquant avec deux hommes de main locaux pour se venger de Hunt, tout ce qui se tenait auparavant en action et timing se voit passé à la trappe avec des invraisemblances consternantes, voire avec une action filmée comme un épisode en live de « Bip-bip et le coyote » (dont la mort de Davian, ce qui n’est pas une révélation, on sait qu’il va passer l’arme à gauche à un moment donné !), et enfin, une espèce de romance mièvre qui colle tellement à l’actuelle entre Cruise et Kathie Holmes que cela en devient ridicule pour une conclusion qui laisse abasourdi, tel est ce « Mission : impossible 3 » déjà un peu plombé par un J.J. Abrahms qui oublie qu’il fait du cinéma et non plus de la télévision : l’usage abusif de gros plans et d’action sur-découpée dans un cadre restreint lasse très vite. Ce qui passe bien dans une petite lucarne frustre assez sur grand écran. En même temps, on se demande bien comment Cruise n’a pas pu dénicher de réalisateur dans le cinéma pour en être relégué à se rabattre sur la télévision. En gros, c’est simple : à un moment donné, on se dit qu’on est en train de voir un « Au service secret de sa Majesté » (là où la femme de Bond meurt) version « Mission : impossible », ce qui en soi se tient au travers d’une réplique d’un des membres de l’équipe qui affirme qu’un espion n’a pas de vie privée. Le pari est osé mais riche de promesses d’un grand film. Après, on retombe très vite dans le cliché hollywoodien de l’action avec une star au milieu. Est-ce cela qui fit casser l’association avec Joe Carnahan, qui est assez « jusqu’auboutiste » dans une intrigue qui ne peut laisser de place à quelque chose de tout beau, tout gentil ? Toujours est-il que l’impression qui se dégage de ce troisième opus est donc très mitigée (laissant le titre de meilleur des trois toujours à De Palma), déjà gangrénée par une réalisation qui n’est pas adéquate à celle d’un tel film et qui laisse en suspens une très grande question : qu’en sera-t-il du n°4 ? Si il s’agit du plus gros succès de la saga, on garde cet esprit convivial et familial et on peut tomber sur un ersatz de « Mr & Mrs Smith » (que j’aime bien, mais là, on sait que c’est volontaire !) ; si c’est un échec, on reprend « Au service secret de sa majesté » et on remodèle Ethan Hunt comme ce qu’il sera à tout jamais, comme James Bond, comme tout espion : il n’y a pas de place pour une vie privée normale dans cette existence. So, wait and see.
St. THIELLEMENT
Fiche Technique
Date de sortie : 03 Mai 2006
Avec Tom Cruise, Ving Rhames, Philip Seymour Hoffman, Michelle Monaghan, Keri Russell, Jonathan Rhys Meyers, Billy Crudup, Simon Pegg, Maggie Q, Laurence Fishburne...
Genre : Action, Espionnage
Durée : 2H06
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