| |
Réal. & scén. : Paul Verhoeven
Avec : Carice Van Houten, Sebastian Koch, Thom Hoffman, Derek deLint.
Distribué par Pathé Distribution.
145 mn.
Sortie le 29 Novembre 2006.
Note : 9/10.
On l’attendait celui-là. Le Hollandais le plus fou, génial, provocateur, maitre d’œuvres telles que « Turkish delights », « Soldier of orange », « Le quatrième homme »,« La chair et le sang » (son premier pas dans l’industrie cinématographique US, en partie), « Robocop », « Basic Instinct », « Showgirls » (le film le plus détesté des américains, lauréat du Razzie Award lors de sa sortie, soit le « navet d’Or », et même du « razzie award de la décennie passée », et qui paradoxalement a plus que cartonné en vidéo battant des records de recettes, on reconnait bien là leur hypocrisie pseudo-moralisatrice) et « Starship troopers » pour ne citer que ses meilleurs, s’est éloigné des studios hollywoodiens après « L’homme sans ombre », film qu’il n’apprécie guère. Tout cela, vous pouvez l’entendre de la bouche même de Verhoeven dans une interview étourdissante réalisée par la télévision hollandaise sur pression du public qui, après avoir banni du pays Verhoeven, l’encense aujourd’hui, présente en bonus dans l’excellente dernière édition de « Basic instinct ». Et il clamait haut et fort qu’il souhaitait de nouveau travailler en Europe et si possible dans son pays. Après quelques années d’efforts, Paul Verhoeven revient donc avec ce qui constitue un de ses meilleurs films, puissant, courageux, provocateur, indécent (pour certain(e)s...), sur un épisode de l’histoire hollandaise liée à la seconde guerre mondiale, une période faite de héros, de trahisons, de barbarie, d’amour, de sexe, d’espoir et de guerre.
Hollande, 1944. Chanteuse juive, Rachel (Carice Van Houten, star dans son pays, une révélation pour nous, magnifique) parvient enfin à acheter son passage vers les pays libres en compagnie de sa famille. Mais une patrouille intercepte leur bateau, exécutant tout le monde sauf rachel qui s’échappe. Plus tard, à La Haye, sous l’identité de Ellis de Vries, elle s’engage dans la résistance. Lors d’une mission, elle rencontre un officier nazi, le capitaine Muntze. Conscient de son potentiel, on lui demande alors de le séduire et jouer les agnets doubles. Mais en temps de guerre, l’amour peut surgir là où ne s’y attend pas, et les circonstances révéler les vraies faces cachées, même les plus obscures, de ceux qu’on croit être des amis.
Présenté à Venise 2006, « Black book » essuya quelques critiques (le jour où Verhoeven ne sera pas critiqué, c’est qu’il n’y aura plus d’âme dans ses films !) lui reprochant une certaine complaisance dans son scénario, liée au sexe entre autres. Ce à quoi Verhoeven répondit qu’en ces années-là, cela existait aussi et faisait partie du quotidien des traquenards, des trahisons, de la guerre. Pourquoi peut-on montrer une scène de torture mais pas une scène de cul, certes crue mais jamais vulgaire avec Verhoeven, ce que beaucoup ne comprennent pas. « Black book » est donc un magnifique portrait d’une femme ayant perdu tous les siens, et qui va se plonger dans un combat en utilisant toutes les armes à sa disposition, dont son corps. Ce n’est pas simplement une relecture vue sous un autre angle de « Soldier of orange », précédent film du cinéaste sur cette époque hollandaise, mais bel et bien un autre récit, en partie véridique, qui ne se montre guère tendre avec l’héroïsme accordé à certains hommes encore plus pourris que les nazis. Très réaliste, bénéficiant de moyens énormes pour un film hollandais, « Black book » fait donc partie de ces films « d’auteurs » qui n’hésitent pas à lever le voile sur des moments sales, honteux, ignobles de l’histoire, pour l’instant toujours édulcorée de ces éléments « honteux ». Dans cette catégorie, on y trouve « Il faut sauver le soldat Ryan » qui rend insupportable toute nouvelle vision de « Le jour le plus long », « Mémoires de nos pères », « Munich », « Platoon », etc... Des œuvres plus humaines et réalistes que romanesques, aux qualités cinématographiques tout autant indéniables. Dans son cas, Verhoeven y ajoute seulement son savoir-faire associé à sa vision si particulière de l’âme humaine. Celui qui réussit à ce jour le meilleur film jamais fait sr Las Vegas avec ce chef-d’œuvre qu’est « Showgirls » revient donc en force, non pas des USA mais de Hollande, avec un film qui peut en remontrer à bien d’autres. Ce que vous verrez dans « Black book » est certainement plus vrai que bien des films sur un sujet voisin. Mais n’est pas Verhoeven qui veut, et ça, ce n’est pas près de changer : le cinéaste est heureux de retrouver le cinéma qu’il souhaite faire, ça se voit, tant pour lui que pour nous. « Black book » marque donc le très grand retour de Paul Verhoeven, ce Hollandais fou qu’on ne peut qu’adorer.
St. THIELLEMENT
|