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Jeepers Creepers, le chant du diable
Réalisateur : Victor Salva
Avec :
Gina Philips, Justin Long, Jonathan Breck, Patricia Belcher, Brandon Smith, Eileen Brennan
L’an dernier, à l’instar de L’échine du diable, Jeepers creepers malgré une flatteuse réputation fut lui aussi un cruel échec commercial en salles. A l’instar de L’échine du diable, le film bénéficie aujourd’hui d’une édition DVD qui, si le label avait été breveté, mériterait sans problème la mention " édition Collector ". Ce qui va suivre devrait vous en convaincre
D’abord le film. Darry et sa sœur Trish rentrent tranquillement chez leur parents sur une route isolée d’un coin paumé de Floride quand ils sont soudain doublés par un vieux camion tout pourri conduit par un dingue de la route. Plus tard, ils retrouvent le véhicule stationné devant une église abandonnée, et aperçoivent le conducteur jeter un grand sac dans un trou. Ils attendent son départ pour que Justin aille vérifier la désagréable impression que ce " paquet " pouvait être un corps. Les deux adolescents vont alors découvrir une sorte de crypte aux murs tapissés de corps humains, et livrer un combat à mort avec le tueur qui les a découverts, un prédateur plus puissant et plus cauchemardesque que tout ce qu’ils auraient pu imaginer.
C’est simple, avec Jeepers creepers, on a l’impression de revenir au fantastique et à l’épouvante telle qu’on n’en a plus vu au cinéma depuis la fin des années 80
Ici, point d’humour, ou alors très noir, macabre, mais une ambiance morbide, inquiétante qui transpire à chaque image de ce coin paumé des States, ou lors de la découverte de la nécropole décorée de cadavres. Là-dessus, la rencontre avec une créature sortie d’un autre temps, le plus beau monstre vu depuis très longtemps au cinéma. Maintenant, et bon nombre d’articles l’ont précisé, le film est signé Victor Salva, réalisateur de Powder (pour le plus connu) et Clownhouse (moins connu mais bien meilleur), qui eut une condamnation suite à une plainte pour viol d’un des jeunes acteurs (17 ans, pas non plus un enfant) de Powder. Et dans Jeepers Creepers, les allusions sur les tendances sexuelles de Salva, sont légion. La créature a une préférence pour Justin, elle fouille ses affaires, s’acharnant plus précisément sur ses sous-vêtements, etc... Il n’y a rien de scabreux dans cette confession du réalisateur, mais c’est vraiment la première fois qu’on trouve ce genre d’aveux dans un film. Ceci ajouté au reste renforce son côté malsain, dérangeant qui en fait bien plus qu’une simple série B horrifique. Surtout qu’en plus, Jeepers Creepers est visuellement superbe, " gothiquement " réalisé par Salva.
Maintenant le DVD. Une édition somptueuse, qui commence avec un long making-of (où on découvre Victor Salva : passe pas inaperçu, le bonhomme !) qui survole tout le film, des acteurs, aux décors, en passant par le maquillage de la créature (rôle que devait tenir initialement Lance Henriksen, premier choix de Salva, qui le connaît bien, il l’a dirigé par deux fois, entre autre dans Bad company, un road-movie à la Hitcher avec aussi Eric Roberts), plusieurs scènes coupées à l’intérêt toujours relatif, sauf pour ce qui est de la fin alternative où on voyait le monstre " coudre " ses 2 dernières victimes pour n’en faire qu’une : l’actuelle est bien meilleure, une fois n’est pas coutume. Le commentaire audio est sous-titré, ce qui permet d’écouter Salva lors de scènes choisies nous expliquer pourquoi il a apprécier un moment précis (comme quand le frère et la sœur s’arrêtent pour pisser, par exemple...), moment qui pour nous semble tout à fait anodin ou incongru. Et enfin et surtout (parce que pour l’instant, tout cela est identique au zone 1), il y a un documentaire inédit, " The American nightmare ".
On remonte à peu près à La nuit des morts-vivants, on rencontre Romero, Hooper, Craven, Savini, Carpenter, qui nous expliquent pourquoi le cinéma américain d’horreur, d’épouvante, est devenu le creuset d’œuvres aussi dérangeantes, sombres, traumatisantes. Une sorte de révolte, d’extériorisation de toutes leurs peurs, leurs dégoûts, suite à ce qu’ils ont vus, à une époque qui replongeait dans la barbarie (les années 70 et les reportages sur le Viet-Nâm, où comme le dit Craven, " on n’était pas vraiment les gentils... "), voilà d’où vient l’actuel cinéma d’horreur US, avec des œuvres qui procurent toujours un choc, même 25 ans plus tard, comme La dernière maison sur la gauche, Massacre à la tronçonneuse, et bien d’autres. Le point fort de ce documentaire, l’interview de Tom Savini, dont les maquillages gores hyper réalistes lui ont été inspirés par ce qu’il vécut au Viet-Nâm, ce qu’il a vu de plus terrifiant de toute sa vie. Les photos qu’il montre en témoignent, tout comme cela se ressentit à la vision de son seul film, un remake mais aussi un chef d’œuvre (oui, il y en a qui vont hurler à la trahison, là, c’est sûr !), La nuit des morts vivants. Un documentaire riche et passionnant, qui trouve tout à fait sa place dans ce DVD, auquel il ne manque qu’une chose : la label Collector sur sa jaquette.
Note : film : 9/10 DVD : 10/10
Bonus : Disc 1 (vostf) : commentaire audio de Victor Salva ; Disc 2 (vostf) : making-of (60 mn) ; galerie photos ; bandes-annonces ; 9 scènes coupées, scène d’ouverture originale, et fin alternative ; documentaire : The American nigntmare (80 mn).
Stéphane Thiellement
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