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Avec : Samuel L. Jackson, Christina Ricci, Justin Timberlake.
Distribué par Paramount Pictures France.
116 mn.
Sortie le 30 Mai 2007.
Note : 9/10.
Une affiche rappelant les « blackexploitation movies » des années 70, polars violents et très portés sexe (les « Panthère noire », « Shaft », Coffy », etc...), ou drames « réalistes » (l’excellent « Mandingo » de Richard Fleisher avec sa description du vieux Sud esclavagiste bien plus crédible qu’un « Autant en emporte le vent » !) ou autres films d’aventures, une accroche qu peut prêter à confusion (« dans le Sud, tout est plus chaud »...). Au final, après avoir froissé pas mal de morales bien pensantes de part et d’autre, « Black snake moan » se révèle un drame humain d’une incroyable force, magnifique, consacrant tous les talents qu’on avait découvert avec le premier film de Craig Brewer, « Hustle and flow », passé plus qu’inaperçu lors de sa sortie (et pourtant : de ce portrait d’un mac voulant monter un groupe musical, le tout dans un contexte urbain plus que violent et sans concessions, Brewer avait hypothéqué jusqu’à sa chemise pour livrer un film coup de poing étourdissant ! A redécouvrir impérativement en DVD, il doit être dans les 10 Euros en ce moment !).
Lazarus (Samuel L. Jackson, bon sang quel acteur !) est né et vit toujours dans le Tennessee. Plaqué par sa femme, il a laissé tomber sa seule vraie maitresse, la musique, et plus particulièrement le blues. Il en jouait tous les samedis soirs avant. Un matin, au bout de son chemin, il découvre le corps meurtri de Rae (Christina Ricci, impressionnante), une célébrité locale dont on dit que « seul le train ne lui est pas passé dessus ». Lazarus prend cette rencontre comme un signe et décide de « guérir » Rae, physiquement et... Moralement. Lui redonner le goût de vivre, à elle qui vient de perdre le seul homme qu’elle ait jamais vraiment aimé, Ronnie (Timberlake : pourquoi persiste t’il à vouloir être acteur, lui ?), parti à l’armée. Lui faire oublier cette enfance sordide. Lui faire gagner le combat contre ce « serpent noir » qui habite en elle, la puissant à se perdre de plus en plus loin, jusqu’au jour où ce sera la fin. Lazarus l’enchaine, subit ses crises, ses injures, résiste à sa folie sexuelle, et de ce combat, va naître un respect mutuel entre deux êtres qui vont réapprendre à vivre après avoir traversé un Enfer bien personnel.
Eh oui, il s’agit là plus d’un drame psychologique remarquablement bien écrit et travaillé qu’une simple série B d’action très « hot ». Originaire du Sud, Brewer a le blues dans la peau et s’en sert pour construire ses films, ses intrigues à une mise en scène sensuelle, tendue comme la corde d’un arc, pour mieux cerner des personnages en quête d’une vie digne d’être vécue. Le tout sur une B.O. d’enfer, bien entendue consacrée au blues, pour laquelle même Jackson a poussé la chansonnette. Le résultat est là : un film d’une très grande richesse humaine, puissant, intelligent, qui ne prend jamais les chemins qu’il nous montre pour mieux nous emmener en des territoires moins connus, nous surprenant plus souvent qu’on ne le pense. En deux films, Craig Brewer est définitivement à considérer comme un des meilleurs jeunes cinéastes américains du moment. Pas d’esbrouffe auteurissante, juste du vrai comme on n’en a rarement eu. Beaucoup devraient en prendre de la graine.
St. THIELLEMENT
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