| |
Avec : Dominic Noonan.
Distribué par Bac Films.
102 mn.
Sortie le 18 Juillet 2007.
Grand Prix du 25ème Festival du Film Policier de Cognac
Note : 7/10.
Pour son 25 ème Anniversaire, le Festival de Cognac, plus précisément son président de Jury 2007, Claude Lelouch, et certains autres jurés comme Julien Clerc, ont couronné un documentaire. Un film aussi, bien entendu, mais avec de vrais gangsters, de vrais flics, de vrais tueurs. Venu de Grande-Bretagne, le sujet était assez rare pour qu’on s’attende à un portrait « coup de poing » d’une icône du milieu, en l’occurrence celui de Manchester, dont Dominic Noonan, « héros » de cette histoire, est le caïd. Bon, même si on préférait, comme d’autres membres du jury, le film de Joe Carnahan, « Mise à prix », la victoire de « A very british gangster » n’est pas amère, ni honteuse (comparé au palmarès 2006, c’est même magnifique !). Mais cela aurait pu être encore plus fort. Plus dérangeant, plus implacable.
Dominic Noonan est une célébrité à Manchester. A 37 ans, il a déjà passé 22 ans en taule. Noonan et son gang de jeunes délinquants habillés comme des gangsters britanniques par excellence (manteaux gris, cravate, chemise, chaussures vernies, cheveux courts) vivent leur quotidien comme dans un film : un petit peu de social (« Le parrain »), de longues parties de billard, des balades en ville où on se montre et on vous (craint) respecte. Mais jamais avec la classe des frères Krays (note : figures emblématiques du banditisme londonien d’il y a quarante ans, deux frères complètement frappés), non, seulement avec des classes sociales qui les traitent comme de grands seigneurs. Et au dessus de tout ça, Dominic Noonan. Pendant plusieurs mois, Donal MacIntyre a côtoyé Noonan, l’a filmé, l’a interviewé, a partagé des moments de sa vie, la mort de son frère assassiné, etc... Bienvenue dans le monde d’une pègre de tous les jours, assez sordide.
Là-dessus, le film est réussi : voir toute cette bande évoluer dans un environnement social des plus défavorisés, où on reste avachi toute la journée devant la télévision parce qu’il n’y a pas de bulot à l’extérieur, les voir s’empiffrer de bouffe grasse dès qu’ils ont un petit creux, c’est sûr, ce n’est pas le côté clinquant et sélect des Krays. En parallèle à ça, Noonan (qui fait penser à Henri Verneuil jeune !) livre quelques vérités sur son milieu, sur ses violences, du moins celles où il y a prescription, hein, parce que les confidences récentes, avec une caméra face aux flics, il n’est pas complètement crétin non plus. Donc, le film révèle des secrets et autres lignes de conduite de Noonan : comment il fut violé pendant des mois dans un internat, d’où son homosexualité actuelle après avoir été marié quand même et avoir eu un fils, sa vengeance sur ses bourreaux (« Je leur ai fais mal, très mal, surtout le chef ! »), comment on respecte ses amis et qu’on tue ses ennemis avant qu’ils ne vous tuent, etc... Certes, de prime abord, on est un peu scotchés. Et puis, au fur et à mesure de la narration du film, on se rend compte que ce qui se veut un documentaire qui colle à la réalité, oublie justement d’être un documentaire, de laisser parler les images. Parfois, il y arrive : l’enterrement du frère de Noonan avec les regards volés à son jeune fils qui cherche un réconfort au milieu de toute cette galerie de tueurs qui ne pensent qu’à en mettre plein la vue, constitue un des meilleurs moments du film. Justement quand MacIntyre ne parle pas en voix off, et ne prend pas la place de ses « acteurs ». Là, le documentaire atteint son objectif. Mais autrement, souvent, il ne fait qu’énoncer des vérités-clichés au détriment d’images saisies sur le vif bien plus éloquentes sur le sujet que ne le seront jamais des paroles de gangsters qui croient vivre comme dans un film. On en était pas loin, c’est vrai, car même ainsi, « A very british gangster » demeure quand même une expérience peu commune, mais on ne pourra pas s’empêcher à la fin de rester un peu trop mitigé. Alors qu’au bout du compte, au vu de l’histoire, de ces hommes, de ce milieu, on aurait dû être limite terrorisés, mais au moins abasourdis. Ce n’est pas le cas, mais d’un autre côté, il reste quand même bien plus de points positifs à ce film pour justifier d’être vu, et d’avoir réussi à gagner un Grand Prix qui efface facilement la honte de l’an passé.
St. THIELLEMENT
|