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Avec Ken Watanabe, Kazunari Ninomiya, Ryo Kase
Warner Home Vidéo
Après avoir montré la bataille d’Iwo Jima du côté des USA avec ses répercussions sur les quatre soldats qui servirent à la propagande de guerre dès leur retour au pays dans « Mémoires de nos pères », film plus politique qu’historique, Clint Eastwood reprend ce même conflit et pour la première fois, le raconte du côté japonais. Comme il est dit dans les interviews des bonus, surtout les conférences de presse de l’équipe lors de l’avant-première mondiale au Japon, il aura fallu attendre 61 ans avant de voir « ce film ». Et là où c’est encore plus fort, c’est que « Lettres d’Iwo Jima » se révèle meilleur que le premier volet de ce dytique consacré à cette bataille perdue d’avance pour le camp japonais et qui se solda par un tribut de vies assez énorme.
Envoyé par l’état major nippon sur la petite île d’Iwo Jima, point stratégique du Pacifique, le général Kuribayashi est parfaitement conscient du peu de chances d’une victoire contre les forces américaines. Pourtant, l’intelligence de sa stratégie fera de cette bataille, une des plus longues mais aussi meurtrières de la seconde guerre mondiale, par rapport à ce qu’elle était supposée durer.
Malgré toutes ses qualités, « Mémoires de nos pères » ne convainquit pas le public. Échec commercial (90 millions de dollars de budget pour 33 de recettes US et 32 à l’étranger), le film se révéla trop « riche », trop juste et trop proche des USA à l’heure actuelle. Et la surprise vint du second film consacré à cette bataille, celui qui serait situé du côté nippon : succès tant critique (plus acclamé que la version US) que commercial (19 millions de dollars de budget, 13 de recettes US, ce qui est logique, les Américains étant ce qu’ils sont surtout à l’heure actuelle..., et 54 de recettes étrangères), « Lettres d’Iwo Jima » se révèle bien plus émouvant, poignant, puissant, et très impressionnant. Eastwood a laissé les Japonais raconter leur histoire, n’a rien pris d’américain quant aux acteurs, ne cherche pas à valoriser le camp US par rapport au camp nippon. Non, il se contente de relater un épisode historique, de laisser parler le cœur de ces hommes voués à une mort quasi-certaine, de montrer leur courage et leurs faiblesses, leurs peurs, l’ensemble reposant sur les épaules d’un homme, le général Kuribayashi, qui connaissait le peuple américain, le respectait, mais n’en oubliait pas pour autant son pays, quelles que soient ses idées politiques. Et comme pour « Mémoires de nos pères », Clint Eastwood arrive à pointer du doigt la bêtise guerrière, qui fait autant de mal sur les champs de bataille que dans les maisons des familles de ces soldats. Le fait aussi de voir pour la première fois ce conflit montré sans implication personnelle ajoute certainement à la plus grande émotion qui en ressort. Ce ne sont plus les méchants nippons, mais simplement des hommes eux aussi, au cœur de conflits guerriers absurdes. Et en revoyant ce film, on se laisse gagner peu à peu par une émotion proche de celle du début de « Il faut sauver le soldat Ryan », où le vétéran s’écroule en larmes dans le cimetière militaire. Les souvenirs de ces soldats, les lettres écrites àleurs familles et cachées au moment de l’assaut des soldats US, nous font prendre conscience de certaines choses oubliées lors de ces guerres. Ce n’est plus le « Iwo Jima » de John Wayne mais bel et bien celui d’un cinéaste avant tout un grand homme qui sait faire passer des messages au travers d’histoires simples jamais narrées ainsi auparavant. L’édition HD-DVD permet en plus de (re)découvrir le film dans toute sa splendeur, l’image était simplement magnifique. L’importance du travail photographique se retrouve ici restitué au plus haut point. Les soleils couchants sur les plages, les batailles nocturnes enfumées, tout est magnifiquement restitué, sans aucun fourmillement. Par contre, niveau bonus, autant « Mémoires de nos pères » proposait deux disques (pour les versions anglo-saxonnes), un pour le film, l’autre pour les bonus, repris chez nous par un simple disque recto-verso (et qui a souvent « buggé » chez certains), pour un ensemble des plus complets, autant ceux de « Lettres d’Iwo Jima » font, de prime abord, un peu parent pauvre tout en étant au final aussi intéressants. La quantité n’est pas synonyme de qualité, et ce qui est montré ici le prouve : en quelques reportages (dont le making-of reprenant le titre initial du film, « Red sun, black sand »), Eastwood revient sur l’importance d’avoir fait ce film dont on sent souvent qu’il en est plus fier que l’autre, ce qui s’explique logiquement au vu des défis relevés à savoir un film entièrement tourné dans une langue qu’il ne connait pas, le respect du point de vue nippon jamais supplanté par l’héroïsme patriotique US, un travail partagé mutuellement avec les acteurs. Lesquels ont été tout doublement honorés de travailler sur un film lié à l’histoire de leur pays réalisé par un des plus grands cinéastes américains. Tout cela, on le ressent dans les extraits des conférences de presse et lors de la première mondiale du film au Japon. Et ce sont ces quelques reportages conjugués à des documentaires allant à l’essentiel (une qualité propre aux films d’Eastwood, ça !) qui suffisent à mesurer l’importance de ces « Lettres d’Iwo Jima » dans la filmographie du producteur-réalisateur Clint Eastwood. D’une même histoire, il en a fait deux films, excellents, à la seule différence près que « Lettres d’Iwo Jima » est un chef-d’œuvre.
Note film : 10/10 (copie magnifique, image 1080p Haute Définition 16x9 2.40 :1)
DVD : 6/10 - Bonus : « Soleil rouge sable noir » : making-of - rencontre avec les acteurs du film - le travail photographique sur le film - première mondiale à Tokyo - conférence de presse à Tokyo - bande-annonce.
St. THIELLEMENT
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