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Scénario : Kelly Masterson
Avec : Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomei, Albert Finney.
Distribué par UGC Ph.
115 mn.
Sortie le 26 Septembre 2007.
Note : 10/10.
Vous connaissez Sidney Lumet ? Un des plus grands cinéastes américains, un titre pas du tout surestimé (par rapport à d’autres, mais ceci est une autre histoire, comme d’habitude...), quelqu’un qui s’est fait le spécialiste de sujets forts mettant en vedette des hommes contre un système, seuls contre tous, et dont l’issue de l’histoire dans laquelle ils évoluent n’est jamais proche du happy-end. Car avec Lumet, personne n’est innocent ou coupable à cent pour cent : avant tout, il s’agit d’êtres humains, avec leurs forces et leurs faiblesses. D’une carrière commencée au théâtre et à la télévision, il a gardé la sécheresse directe de la narration, qu’il mettra en pratique au cinéma donnant des œuvres bien plus fortes que la normale. Les titres de gloire de Lumet, ce sont « Douze hommes en colère » (un procès à l’issue gagnée d’avance si ce n’était un juré qui va pousser les autres à bien étudier le cas de cet homme qui peut mourir par leur seul jugement), « La colline des hommes perdus » (avec Sean Connery en militaire refusant les ordres aveugles et stupides de la hiérarchie d’où passage en camp disciplinaire), « Serpico » (Al Pacino incarne ce flic new-yorkais qui se révolta contre la corruption policière), « Le crime de l’Orient-Express » (la meilleure adaptations d’un Agatha Christie avec « Mort sur le Nil »), « Network » (les coulisses de la télévision, Oscar pour Faye Dunaway), « Le prince de New-York » (gigantesque fresque policière sur la corruption, une fois encore), « A bout de course » (génial film avec feu River Phoenix, enfant d’un couple de fugitifs contestataires américains), le sublime « Contre-enquête » avec Nick Nolte impérial en flic ripou et enfin « Dans l’ombre de Manhattan » avec Andy Garcia en procureur face à un dilemme personnel. Au milieu de tout ça, des films moyens et des navets (« Family business » pour ne citer qu’un des derniers, ou encore le remake de « Gloria » avec Sharon Stone). Aujourd’hui, Sidney Lumet a 83 ans. Son nouveau film s’appelle « 7h58 ce samedi-là » (titre bâtard pour un sublime « Before the devil knows you’re dead » original), et c’est un monument, un chef-d’œuvre, son meilleur film depuis « Contre-enquête ».
Charles Hanson (Albert Finney) emmène sa femme, Nanette, ouvrir la bijouterie familiale ce samedi-là, à la place de leur employée qui a prit sa journée. Charles la dépose et va passer un test de conduite. Un braquage a lieu, qui tourne très mal pour Nanette. Arrivés à l’hôpital, Andy Hanson (Hoffman, absolument extraordinaire) et son frère cadet Hank (Hawke) se rendent au chevet de leur mère et soutiennent le chagrin de Charles. Puis ils sortent et essaient de comprendre comment leur plan a pu foirer ainsi. Mais il très trop tard : Nanette fut la première victime, et le destin a décidé d’en finir avec les Hanson.
Une véritable spirale infernale, un crime crapuleux organisé par le fils ainé d’une famille qui demande l’aide de son frère, lequel est trop lâche pour le faire lui-même et va du coup quérir l’aide d’un ami un peu trop nerveux de la gâchette. Chacun a une vie pourrie depuis longtemps mais ce qui va se passer ce samedi-là va encore plus les détruire, jusqu’au bout, jusqu’à leur mort, physique et psychologique. On a souvent l’impression d’étouffer dans ce film tant la descente aux enfers est inexorable. Un drame survient, et le seul refuge auquel on pense, à savoir la famille, se révèle être le cœur de la tornade, de cette spirale infernale qui ne s’achèvera que dans le sang, par une dernière mort, une exécution implacable, point final de la dégénérescence d’une famille détruite depuis longtemps, depuis le moment où aucun n’a vu les signes annonciateurs d’une telle tragédie. Tout cela magistralement filmé, réalisé, mis en scène par un cinéaste qui n’a jamais été aussi maître de ses moyens, au regard plus qu’acerbe, aux réflexes plus qu’aiguisés. C’est une plongée aux enfers à laquelle nous convie Sidney Lumet, de la trempe de celle qu’il nous avait infligée avec « Contre-enquête ». Sidney Lumet à la retraite ? Non, certainement pas, et il le prouve de façon spectaculaire et implacable avec ce « 7h58 ce samedi-là », une grande baffe cinématographique comme on n’en attendait pas de la part de ce vénérable grand monsieur du 7ème Art.
St. THIELLEMENT
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