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Réal. : Gavin Hood
Scén. : Kelley Sane
Avec : Jake Gyllenhaal, Reese Witherspoon, Omar Metwally, Peter Sarsgaard, Alan Arkin & Meryl Streep.
Distribué par Metropolitan Filmexport
122 mn
Sortie le 9 Janvier 2008
Note : 8/10
Et c’est reparti pour un tour : le terrorisme, le Moyen-Orient, les USA. Depuis quelques mois, le cinéma de l’Oncle Sam semble trouver depuis le 11 Septembre une nouvelle source d’inspirations liées de plus ou moins loin à tout ce que la politique Bush a mis en branle depuis ces attentats-suicides et la guerre en Irak. Dans le meilleur des cas, on a « Dans la vallée d’Elah » ; dans le pire, « Lions & agneaux ». Et autour, d’autres œuvres ayant au moins une connivence avec le monde tel qu’il est aujourd’hui dans ce giron politique : « Le royaume », « Syriana », « Jarhead », et encore quelques autres qui vont bientôt arriver. « Détention provisoire » est aussi lié à tous ces évènements. Mais il arrive à surprendre, il touche un sujet très sensible, tout cela au travers d’une histoire que d’aucuns pourront trouver romanesque au point d’annihiler une partie du message du film. Alors qu’en fait, le scénario montre justement au travers de son intrigue fictive, comment la vérité peut être déformée au point de persuader n’importe qui de la culpabilité du premier suspect venu. Un constat qui fait froid dans le dos, pour un film impressionnant en bien des points quant à sa maîtrise d’écriture sur un tel sujet, renforcé par d’autres qualités, lesquels n’effacent pas les quelques défauts qui empêchent « Détention secrête » d’être plus qu’un excellent thriller politico-dramatique.
Un attentat vient de frapper une grande ville du Moyen-Orient, blessant des officiels américains. La CIA dirige son enquête vers les terroristes proches d’Al-Quaida. A son arrivée à l’aéroport de Washington, Anwar El-Ibrahimi n’a qu’une envie : retrouver son fils et sa femme enceinte de son second enfant. Mais il est immédiatement arrêté et emmené au QG des forces militaires d’un pays d’Afrique du Nord. Là, il est soumis aux questions, avant d’être molesté, battu et torturé. On lui dit que son portable a reçu un appel d’un lieu servant de repaire aux terroristes. Assistant à l’interrogatoire en lieu et place de son patron tué dans l’attentat, le jeune analyste Doug Freeman commence à douter des aveux que lâche peu à peu El-Ibrahimi. Aux USA, Isabelle Fields El-Ibrahimi tente de retrouver la trace de son mari qui semble s’être évaporé de son vol de retour. Elle fait appel à un ami sénateur, qui remontera jusqu’aux sources pour comprendre que tout cela fait partie du programme « Rendition »...
Soit un programme mis en place sous Clinton qui autorise la CIA à enlever des suspects pour les interroger dans des prisons secrètes situées hors du territoire. Cela vous rappelle quelque chose ? Normal, c’était dans l’actualité il y a quelques mois. Le scénariste Kelley Sane parla un jour avec un ami de cette rumeur (du temps où cela en était une...) et imagina un film tournant autour de cette pratique « gouvernementale » occulte pour mieux dénoncer les excès que cela a plus souvent susciter qu’autre chose. En l’occurrence, la surprise finale de « Détention secrète » est de taille, et surtout, elle nous met face à une nouvelle terreur : celle des pouvoirs politiques luttant contre le terrorisme avec un aveuglément qui les empêche de mener correctement une enquête. Les bavures sont légion, on le sait, et là, cela rappelle n’importe quel attentat automatiquement lié à Al-Quaida, alors qu’ils peuvent aussi être perpétrés par des groupuscules se servant de cette terreur pour attiser les guerres terroristes. Loin d’être propagandiste (pas de good guy en politique US), voyeur (par ses scènes de torture), engagé, « Détention secrète » se suit comme un excellent film d’action réaliste, qui nous remémore des images d’actualité pour mieux nous révéler une éventuelle autre révélation, la pire de toutes, celle qui fit souffrir des innocents jugés avant d’être interrogés. Les seules petites faiblesses à cette mécanique très bien huilée signée Gavin Hood, cinéaste sud-africain à qui on devait juste avant l’excellent « Mon nom est Tsotsi », et servie par un casting parfait (comme Meryl Streep, autrement plus convaincante que dans le pesant « Lions & agneaux ») viennent d’éléments trop flagrants pour être crédibles : la remise en question de Freeman quant aux méthodes de la « compagnie » (excellent Jake Gyllenhaal), l’identité du suspect qui n’a jamais changé de nom depuis le 11/09 alors qu’il a une famille américaine, des petits trucs comme ça qui gênent un peu. Mais autrement, cette remarquable mosaïque de lutte de pouvoirs constitue un des meilleurs films sur les travers de la toute puissance politique américaine face au terrorisme. Cela fait peur, très peur...
St. THIELLEMENT
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