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Avec Zoe Tamerlis, Albert Sinkys, Darlene Stuto
Aquarelle Vidéo
De nom, tout le monde connait Abel Ferrara. Ensuite, pour ses films, si on est bien tombé, on sait qu’il a signé des petits chefs-d’œuvre mais aussi des trucs assez lourdingues et complètement sous influence cocaïnée... Bref, celle ou celui qui a débuté l’univers Ferrara avec son premier long-métrage officiellement connu, à savoir « Driller killer » et qui ensuite sont tombés de temps en temps sur ce qu’il n’a pas fait de mieux comme « Cat chaser », son téléfilm « Gladiator », « Snake eyes » avec Madonna, ou tout simplement, les tous derniers à savoir « New Rose Hotel », « The blackout », « Christmas », & « Mary », n’auront absolument aucune envie de découvrir enfin en vidéo le premier vrai bon film de ce cinéaste très autodestructeur et parfois bien barré qu’est Ferrara. Et pourtant, « L’ange de la vengeance » est un excellent polar urbain très noir, qui annoncera son second excellent film « New-York deux heures du matin », le point culminant dans le genre étant ce chef-d’œuvre qu’est « King of New-York » avec Christopher Walken. Il signera ensuite une autre œuvre maitresse de sa carrière, « Bad lieutenant » avant de réaliser une nouvelle version de « L’invasion des profanateurs de sépultures » écrite par Stuart Gordon et Dennis Paoli, un autre petit chef-d’œuvre du Fantastique, le remarquable « Body snatchers », à ce jour la meilleure version. Revenons à « L’ange de la vengeance ». Ferrara est un New-yorkais de naissance, le milieu urbain et nocturne, c’est son monde. Pas étonnant que ce film fasse si vrai, en même temps qu’il est d’une maitrise formelle dans le genre qui n’a aps pris une ride aujourd’hui, alors que, franchement, ne l’ayant pas vu depuis deux décennies, je ne lui donnais pas cher de sa puissance actuelle. La surprise n’en est que meilleure, c’est toujours un polar noir urbain destroy, nihiliste, magnifique et désespéré. Et en plus, autant le dire tout de suite, la copie est superbe pour son âge.
Thana (Zoe Tamerlis) est une jeune fille timide et muette. Un jour, elle se fait violer à deux reprises dans la même journée, mais tue et découpe en morceaux son second agresseur. Un choc qui la fait basculer dans la folie, la transformant en exécutrice armée d’un pistolet automatique Ms45 qui flingue tout assaillant la nuit tombée. Invitée un soir à une party, elle viendra vêtue en nonne, et l’enfer se déchaînera...
C’est le clou du film, un final apocalyptique où Thana flingue habillée en bonne sœur, le tout mis en scène avec une maestria indéniable. Variante underground par son contexte de « Un justicier dans la ville », « L’ange de la vengeance » est un « rape and revenge movie » féminin bien plus abouti et intelligent que d’autres simplement plus racoleurs. Dans les rares réussites, on peut citer « Day of the woman », mais surtout dernièrement l’excellent « A vif » de Neil Jordan avec Jodie Foster. C’est d’ailleurs plus vers ce dernier qu’on pourrait rattacher « Lange de la vengeance ». Autrement, Ferrara semble ici en pleine possession de ses moyens, mettant en scène avec un talent qu’il ne retrouvera que deux ou trois fois (voir les titres cités plus haut) un script de son ami Nicolas St John. La performance de Zoe Tamerlis est en osmose avec une mise en scène inspirée, plongeant au cœur de la jungle urbaine faite de violence et d’indifférences, débouchant sur une folie à la fois salvatrice, expiatoire et fatale pour Thana. Zoe Tamerlis retrouvera Ferrara en collaborant au script de « Bad lieutenant » ; elle est morte il y a neuf ans d’une overdose à Paris. Un destin noir, pour une personnalité tourmentée qui donnera à Ferrara l’essence de son meilleur premier film, qui donnera vie à un personnage fascinant qui fera de « L’ange de la vengeance » un film culte qu’on a donc la chance de découvrir aujourd’hui. En bonus, un entretien avec le journaliste J.B. Thoret (auteur du bouquin sur Jon Carpenter, très cérébral...) sur les films de « rape and revenge » et un autre avec une célébrité du journalisme de genre, Christophe Lemaire qui revient sur la sortie de ce petit film à l’époque (1982) fut distribué par Warner Columbia Films ! Bref, que du très bon, en tout cas une référerence cinématographique à se procurer de toute urgence, une excellente initiative d’un petit éditeur français qui annonce aussi « Dr Rictus » (mais recadré comme le DVD américain), « Klute » (excellent polar noir de Alan J. Pakula qui fit gagner un Oscar à Jane Fonda de meilleure actrice), « Un été 42 » (très belle love-story de Robert Mulligan, à la musique mondialement connus signée Michel Legrand) et enfin pour Avril, « Looker » de Michael Crichton, excellente série B avec Albert Finney. Mais pour bien commencer, ne ratez pas « L’ange de la vengeance », le film qui révéla un cinéaste génial et fou, Abel Ferrara, alors en pleine possession de ses moyens.
Note film : 9/10
DVD : copie excellente, format 1.78, image 16/9ème compatible 4/3 - Bonus : 7/10 : étude sur le « vigilante movie » par J.B. Thoret - retour sur la sortie du film par C. Lemaire. St. THIELLEMENT
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