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"Delta : T.1 - L’Anse aux crânes Jean-Louis Fonteneau" de Roberto Ricci et Matteo Simonacci
Gabriel Boissy d’Aigrement croupit sous une barque renversée, au fin fond de l’Anse aux crânes. Il a été enlevé, avec son domestique, par des pirates. Ceux-ci ont crevé les yeux du serviteur pour qu’il ne puisse donner aucune indication de lieux. Maintenant que les plaies sont cicatrisées grâce aux soins diligents d’un sorcier, ils l’envoient réclamer une rançon au père de Gabriel : la vie de son fils contre dix kilos d’or.
Mais Gabriel sera délivré par Lina, une jeune indienne, esclave de la bande. C’est l’arrivée des herbes rouges qui leur permettront de fuir. Elle emmène Gabriel avec elle, non pour l’aider dans sa fuite, car le jeune noble est plus un boulet à traîner qu’une aide efficace, mais parce qu’elle a besoin de lui. Leurs relations ne sont pas faciles. Elle est libre de pensée, de corps et insolente pour un garçon élevé selon des règles religieuses rigoristes. De plus, il ne voit en elle qu’une indienne, un être inférieur. Il ne comprend pas qu’elle puisse être un personnage important dans son univers.
Gabriel, au cœur des dangers, la suit sans se douter qu’elle lui réserve un rôle important dans la mission que lui a confié son grand-père, le vieux chaman...
Jean-Louis Fonteneau nous invite à une plongée dans le delta de l’Orénoque, au 17e siècle, quand les populations locales restaient encore maîtresses de leurs territoires. Si ce premier tome, qui baigne dans le fantastique, affiche un ton résolument drôle, le sujet est sérieux. Le scénariste prend le parti des autochtones, nous montrant de bien piètres individus de race blanche. Entre la bande de pirates alcoolisés et les exactions des « conquistadors » le tableau n’est guère à la hauteur d’un esprit humaniste. Même Gabriel, avec les idées colonialistes de son époque, ne relève pas le niveau. Cependant, il découvre une triste réalité, mais l’accepte-t-il ?
Cette histoire passionnante est parfaitement mise en images par un couple de dessinateurs : Roberto Ricci et Matteo Simonacci, le maître et l’élève. Si le premier a déjà conquis le public avec, entres autres, « Les Âmes d’Hélios », une série de quatre tomes scénarisée par Saimbert ( Delcourt), le second commence une carrière internationale avec la présente série. Comment travaillent-ils ? Comment retrouver les apports de l’un et de l’autre ? On ne retrouve pas le style connu de Ricci. Le dessin est plus synthétique, plus dépouillé que dans « Les Âmes d’Hélios ». Cependant, quelques planches font l’objet d’un travail plus académique. On peut se poser la question sur l’illustration de couverture : celle-ci anticipe-t-elle des albums futurs ?
« L’Anse aux crânes » est un premier tome de très bon niveau et s’impose comme un début de cycle prometteur.
Serge Perraud
Delta : T.1 - L’Anse aux crânes, scénario de Jean-Louis Fonteneau, dessins de Roberto Ricci et Matteo Simonacci, couleurs du studio Makma, Les Humanoïdes associés, février, 48 pages, 12,90 €
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