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Avec Clint Eastwood, Christopher Carley, Bee Vang, Ahney Her
Warner Home Vidéo
Quelques mois après son superbe « l’échange », Eastwood remet le couvert pour ce qui deviendra, à ce jour, son plus gros succès commercial de toute sa carrière. En France, plus du million d’entrées spectateurs sur Paris (avant, le record était pour « Un monde parfait », succès dû en partie à Kevin Costner aussi...) pour un film qui, à part l’acteur-cinéaste, ne comprend aucune tête connue si ce n’est celle du coiffeur, incarné par John Carroll Lynch, une tête connue, qui fut pour son rôle le plus mémorable (l’éventuel) Zodiac dans le film du même nom de David Fincher. Un succès amplement mérité, c’est certain, mais à ce point, ce n’était absolument pas prévu. Et pourtant, quand arrive le générique de fin, on ne peut que le comprendre. Histoire d’amitié, de rédemption, de violence, de racisme, des éléments qu’on retrouve tout au long de la carrière de Clint Eastwood, et qui furent souvent mal interprétés. Ici, il remet les pendules à l’heure, fait un bilan de bien des choses, et donne une immense leçon d’intelligence et d’humanité.
Walt Kowalski vient de perdre sa femme. Cet ancien ouvrier d’une usine automobile à la retraite, vétéran de la guerre de Corée, vit seul dans sa maison paumée dans une banlieue où ses voisins sont d’origine Hmong, ce qui n’est pas du tout de son goût. Un soir, Walt surprend une rixe devant chez lui entre jeunes d’un gang local. Le lendemain, ses voisins viennent le voir avec Thao, un adolescent qui a tenté le veille de voler le bien le plus précieux de Walt, une Gran Torino de 1972, cadeau de départ de sa boite, qu’il bichonne amoureusement. Comme « punition », Walt donne à Thao des petits travaux à faire. Peu à peu, le vieux raciste aigri va progressivement redevenir l’homme qu’il fut à un moment donné de sa vie, et par la même occasion, il va découvrir que ceux qu’ils détestent le plus peuvent être les meilleurs amis qu’il n’ait jamais eus.
Dans les bonus de cette édition Blu-ray, par ailleurs superbe quant à ses qualités techniques, rendant comme pour « L’échange » le plus bel hommage qu’il soit au travail de la photo souhaité par Eastwood et rendu par un de ses fidèles collaborateurs, Tom Stern, on a droit à trois documentaires. Le moins passionnant étant celui qui s’attarde lors d’un meeting de voitures de collection aux interviews des participants pour qui leur voiture est un élément irremplaçable de leur vie, ce qui leur permit de tisser des liens étroits avec leur fils, etc... Ah. Bon, c’est bien, chacun ses points de vue. Mais bon, en gros limiter « sa vie » à « ma voiture, mon fils et moi », ... Bref, tout ça pour dire que dans « Gran Torino », la voiture n’est pas la maitresse de Kowalski mais simplement un miroir de sa personnalité (d’ailleurs, la jaquette de l’édition Blu-ray reprend juste le profil d’Eastwood, adios l’affiche originale avec la voiture en arrière-plan !). Il ne l’utilise quasiment jamais, il la brique comme un diamant car elle est le seul « cadeau » que sa vie lui ai offert. Son seul objet de fierté, celle d’une vie remplie par des jours et des mois et des années de boulot à la chaine. Sa vie personnelle est loin d’être idyllique, ses enfants étant des personnes pourries gâtées n’ayant pas le même sens des valeurs que lui. Et quand Walt rencontre des gens modestes mais sincères, sympathiques et courtois comme les Hmong, une porte s’ouvre en lui, une porte fermée depuis ses actes de guerre, une porte fermée par l’échec de sa vie familiale. Parallèlement à cela, « Gran Torino » parle aussi de la violence quotidienne qui frappe au coin de la rue, de la façon la plus crapuleuse qui soit. Il est à cet effet amusant de lire les critiques du public (sur le net, style « Allo Ciné ») sur un film qu’il attendait comme un sixième volet des aventures de Harry Callahan... Ici, Clint Eastwood en plus de dresser, une fois n’est pas coutume, un superbe portrait d’un individualiste en lutte contre tout système, se livre un peu plus sur lui-même et sur ses choix de carrière et l’impact qu’ils eurent sur le public. Comme toujours, il ne le reconnaitra jamais complètement mais si on connait bien les idées du bonhomme, c’est évident. Alors, oui, il a cette présence qui impose le respect voir la crainte, mais quand il sort un flingue, c’est juste pour appuyer son discours, plus question de l’utiliser ici. Et cette fin, magnifique, crépusculaire, est celle qui ne pouvait que survenir à un tel auteur, souvent mépris sur ses véritables obsessions et réflexions. Et c’est donc très logiquement qu’une telle œuvre balaie tous les pronostics commerciaux tant son message est si vaste, riche et sage. Maintenant cette édition Blu-ray mérite son intérêt quant ses qualités techniques comme il a été dit un peu plus haut. Question bonus, outre le documentaire sur les fondus des voitures, on a droit à des interviews des uns et des autres sur ce que représente la voiture, sur ce qu’est celle des rêves de chacun (seul Eastwood n’est pas interviewé là-dessus, même si il nous dit qu’elle fut son premier tacot !). Maigre, tout ça. Heureusement, il arrive une sorte de making-of d’une vingtaine de minutes, qui rachète tout. D’accord, c’est peu, c’est court, mais comme pour ses films, Eastwood ne livre que le strict minimum sur son travail, ses inspirations, ses idées. Et ça suffit. En vingt minutes, on a l’impression de tout savoir du projet de « Gran Torino ». Parfois, ce n’est pas plus mal. Ah, dernière chose : il a gardé la voiture à la fin du tournage. Normal, non ?
Note film : 10/10
Blu-ray : copie magnifique, format d’origine 2.41, image 16/9ème comp. 4/3 - Bonus (vostf) : 6/10 : documentaires sur l’importance des voitures aux States, sur un rassemblement de voitures de collection à Detroit - exclusif Blu-ray : making-of.
St. THIELLEMENT
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