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Avec Brad Pitt, Cate Blanchett, Julia Ormond, Elias Koteas, Taraji P. Henson & Jason Flemyng.
Warner Home Vidéo
On ne présente plus David Fincher : il est simplement l’un des plus grands cinéastes actuels, un orfèvre pour chacun de ses films, un maître dans l’art d’utiliser les effets spéciaux dans son film pour son histoire et non pas à son détriment, un amoureux des acteurs. On pourra faire la fine bouche sur une mise en scène parfois un peu « lourde », c’est pinailler quand on voit l’encensement incompréhensible prodigué à d’autres (je citerai bien des noms, des grands noms, mais on se fâcherait donc...). Fils de pub et de clips, découvert avec l’excellent « Alien3 » (plus on le voit, plus on aime...), glorifié avec « Seven », Fincher signe ensuite « The game » (excellent), « Fight club » (bon là, avis personnel : son moins bon), « Panic room » (classique mais remarquablement efficace), et « Zodiac », chef-d’œuvre parfait, l’anti-« Seven », le portrait réaliste et donc sordide et basique d’un serial-killer qui terrorisa San Francisco et sa région dans les années 70. Si vous ne l’avez pas vu, rattrapez vite ce retard : « Zodiac » est le film el plus abouti de Fincher. Et aujourd’hui, il renoue avec le succès pour une magnifique histoire, une adaptation d’une nouvelle de F. Scott Fitzgerald qui traina pendant des années dans les tiroirs de producteurs, une adaptation réputée limite maudite mais que la performance des effets spéciaux actuels ont permis enfin de concrétiser, à la grande joie de Fincher, par lui-même. Le résultat est une fresque passionnante, émouvante, un très grand film si ce n’est plus... Son édition Blu-ray double le plaisir car en plus de revoir l’œuvre, on y trouve un impressionnant making-of de trois heures sur un second disque. Le Nirvana, le bonheur total !
Benjamin Button naquit à la fin de la première guerre mondiale, dans un corps de bébé de quatre-vingts ans. Son destin est unique puisqu’il vécut à l’envers sa vie, vieillissant intérieurement, rajeunissant extérieurement. Il rencontra l’amour de sa vie jeune, vécut une période où tous deux eurent un âge similaire avant de replonger chacun vers une fin de vie opposée. Malgré ces facéties du temps d’une vie, leur amour ne faiblit jamais...
Variante sur le voyage dans le temps, « L’étrange histoire de Benjamin Button » est une magnifique histoire d’amour prisonnière du temps qui passe, vieillir, aimer, voir le regard de l’autre quand on est à son opposé, des éléments qui font une vie mais combinés de manière différente, pour mieux ressentir justement la force des sentiments. Le scénario est remarquable (pour une adaptation où beaucoup jetèrent l’éponge, rappelons-le), la mise en scène raffinée, voir subtile même si elle manque d’une ultime pointe de finesse parfois pour aboutir à la perfection. Mais en l’état, et à une nouvelle vision, le film est un chef-d’œuvre, qui vous transporte sur des thèmes universels de façon originale. La réflexion est différente, l’impact est plus fort. L’émotion prend là où s’y attend le moins comme cette scène où Cate Blanchett septuagénaire embrasse Benjamin gamin de six ans dans la rue. Pour l’édition Blu-ray, rien à dire : une image parfaitement somptueuse, restituant à merveille toutes les palettes photographiques souhaitées par Fincher. On pouvait craindre de « voir » les effets visuels, il n’en est rien. Et comme un trésor ne suffisait pas, on passe au second, le disque des bonus. Si le scénario a réussi là où d’autres ont échoué, comme le dit David Fincher (ça remplace facilement le commentaire audio, même plus qu’intéressant, mais faut aimer les commentaires audio sur trois heures...) sur ce second disque consacré à un long documentaire de trois heures épluchant tout, de la genèse à la première du film en passant par les repérages, les lieux, les acteurs, les effets spéciaux, les costumes, sans les effets spéciaux d’aujourd’hui, il n’aurait jamais fait le film. Car c’est Brad Pitt qui « joue » Benjamin de bébé à vieillard, « doublant » parfois l’acteur l’interprétant tant sur la voix que sur les mimiques du visage et le regard. Découvrir ainsi un logiciel uniquement consacré aux yeux est quelque chose de simplement incroyable, et les prouesses techniques du 21ème siècle sont là, ce n’est plus de la science-fiction, « Looker » est devenu réalité ! Paradoxalement, Fincher a souhaité le plus de décors réels et c’est la Nouvelle-Orléans, ville intemporelle par excellence du vieux Sud américain qui servit de théâtre d’actions pour ce destin hors-normes. Et parfois, pour simuler par exemple la Russie, Montreal remplit bien le rôle avec des problèmes de logistiques non résolus informatiquement : tourner en Mai à Montreal quand il fait chaud alors qu’il faut faire croire à une température glaciale... Et à un moment, on lit sur le visage de Fincher une très grande lassitude... Heureusement, le cinéaste est bien encadré et il est entouré de professionnels passionnés. Et Fincher n’est pas Brett Ratner, un film qu’il signe, il doit tout avaliser, valider, donner un avis, comprendre le moindre effet, etc... Et au terme de ces trois heures passionnantes, il en ressort que David Fincher est bel et bien un des plus grands cinéastes actuels, et les quelques infimes réserves qu’on pouvait avoir à la fin du film sont alors balayées : combien auraient pu faire un tel film, qui au final vous transporte comme peu de films savent le faire. A part les derniers Eastwood (Million dollar baby », « lettres d’Iwo Jima » et bien entendu « Gran Torino »), aucun film ne dégage une telle puissance.
Note film : 10/10
Blu-ray : copie magnifique, format d’origine 2.40, image 16/9ème comp. 4/3 - Bonus : 10/10 : disc 1 : commentaire audio de David Fincher - Disc 2 : documentaire de trois heures - galerie photos - bandes-annonces.
Stéphane Thiellement
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