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Avec Emily Browning, David Strathairn, Elizabeth Banks, Arielle Kebbel
Paramount Vidéo
L’épouvante au cinéma a toujours eu des vagues de renouveau venant de certains pays pendant des périodes bien déterminées. Ainsi, il y a dix ans, Jaume Balaguero lança la vague hispanique avec sa « Secte sans nom », cette année, on découvrit la vague scandinave avec « Morse », « Manhunt » et les deux « Cold prey », et bien entendu, l’Asie se lança avec sa vague de fantômes terrifiants à base de « jeunes filles aux cheveux sales qui tombent devant les yeux » qui débuta vraiment avec « Ring ». Succès monstrueux dans leur pays d’origine, et là-dessus, les américains s’emparèrent vite des droits des remakes. Bon. Alors, on va faire un résumé : ces films asiatiques d’épouvante sont souvent constitués de mauvais films qui ne sont que des démarquages d’autres bien plus réussis mais qui se comptent sur les doigts d’une main à savoir que, personnellement (je précise, hein, chacun ses goûts), ces réussites se nomment « Dark Water », « La Mort en ligne » (le seul Miike qui ne semble pas être un Miike, ceci explique peut-être cela...), le très méconnu et pourtant excellent « Double vision » (avec David Morse en profiler du FBI venant aider son homologue nippon) et le très glacial « Deux sœurs », simplement et purement terrifiant. Le reste est souvent indigeste. Dans les remakes américains, il n’y a qu’un seul excellent remake qui en plus dépasse son modèle (chose facile, si, si !), c’est « Le Cercle » (« The Ring ») de Gore Verbinsky avec Naomi Watts : le film fait vraiment peur, et en plus l’adaptation américaine ne cherche pas à faire de l’asiatique aux USA mais reprend la trame qu’il resitue dans un contexte américain. On oublie sa suite, nulle, on oublie les originaux, pas terrible et on ne garde que celui-là. Et à ce jour, « Le Cercle » garde son privilège de seul remake réussi. Mais ses producteurs, eux, ont acheté d’autres droits, croyant pouvoir réitérer un succès. « Ring 2 » d’abord (et un « Ring 3 » est en marche...), et aujourd’hui, « The Uninvited », soit « Les Intrus », titre français du remake américain de ce petit chef-d’œuvre de terreur qu’est « Deux sœurs ».
Suite au décès accidentel de sa mère, Anna sort d’un séjour en maison de repos. Elle rentre avec son père dans la demeure familiale ou elle retrouve sa sœur Alex. En même temps, elle découvre que son père veut refaire sa vie avec l’ancienne l’infirmière qui était en charge de sa mère. Très vite, les deux sœurs sont témoins d’étranges faits qui les amènent à penser que leur mère n’est pas morte « par accident » et que Rachel n’est pas celle qu’elle dit être.
Dans le making-of, le producteur Walter Parkes déclare avoir acheté les droits du film sans l’avoir vu. Ah. Ensuite, sa femme, Laurie McDonald confirme que le scénario devait être moins « compliqué » que l’original. Bref, de ce voyage au bout de la nuit qu’est « Deux sœurs », « Les Intrus » n’en garde que les grandes lignes, transformant l’ensemble en un petit shocker surnaturel qui a beaucoup de mal à tenir la route malgré une durée relativement courte (l’original dure près de deux heures, celui-ci une heure vingt-cinq avec le générique...). Premier film de deux jumeaux (c’est la mode, ça aussi, mais n’est pas The Wachowsky Brothers ou The Hughes Brothers qui veut...) britanniques, « Les Intrus » est visuellement très beau, bénéficiant de magnifiques décors, propices à l’isolement de la maison familiale, situés en Colombie Britannique face à l’Océan Pacifique. C’est le meilleur du film. Les actrices sont trop jolies (surtout Alex, et les Guard Brothers aiment les filmer, ça se voit) pour s’effacer par rapport à l’intrigue, laquelle tente de donner le change mais qui a vu « L’autre » de Robert Mulligan ou simplement « Deux sœurs », l’original, s’ennuiera ferme ici, The Guard Brothers ayant du mal à nous faire douter de ce qu’on voit. En plus, le scénariste n’a rien trouvé de mieux que de faire interférer une sous-intrigue, sensée perturber encore plus la pauvre Anna, et qui s’avère plus absurde qu’utile. Quant à la révélation finale, elle confirme une simplification du matériau d’origine pour un public plus occidental, mais qui ne sert pas en avantage le film. Paradoxalement, « Le Cercle » conservait une certaine complexité et son succès a prouvé que cela n’avait pas été une mauvaise idée. En l’état actuel, « Les Intrus » n’est pas déplaisant, mais à trop vouloir « américaniser » une intrigue par un scénariste pas expert en la matière, et servi par une mise en scène manquant singulièrement d’audaces, il ne parviendra jamais à s’aligner avec son modèle, encore moins à le dépasser. Question bonus, outre un making-of partagé entre purement promotionnel (autocongratulations des actrices et des frères cinéastes) et vérités à moitié avouées (les producteurs, qui ont dû oublier de revoir leur propos, surtout Parkes qui déclare à la fin que tout fan du premier devrait trouver son bonheur avec ce remake, ben voyons !), on a droit à des scènes coupées pas si inutiles que ça et à une fin alternative qui explique la sous-intrigue, dont l’inutilité est encore plus accentuée avec cette fin éliminée. Sinon, encore une fois, les paysages sont superbes...
Film : 3/10
DVD : 6/10 (copie excellente, format d’origine 1.78, image 16/9ème compatible 4/3) - Bonus : making-of (18 mn) - scènes coupées - fin alternative.
St. THIELLEMENT
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