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"James Wan (Insidious) " de Stéphane Thiellement
INSIDIOUS
Interview de James Wan, réalisateur
Dès son premier film, James Wan faisait une entreé fracassante dans le milieu de l’horreur et de l’épouvante cinématographique. Avec « Saw » (le seul, l’unique, on oublie toutes ses séquelles), Wan et son scénaristes Leigh Whanell balayaient en un film pas mal d’années d’horreur qui commençaient à prendre la poussière. Mais parfois, un coup d’essai devenu coup de maitre n’amorce pas obligatoirement une carrière (prenez Daniel Myrick & Eduardo Sanchez, et « The Blair Witch project », hein... Bon, déjà en soi, c’est pas génial, mais c’est toujours mieux qu’un « Paranormal activity », sauf qu’après, ils ont beau persister, ils devraient changer de métier !). Sauf que leur second film, « Dead silence », malgré de très mauvaises relations avec Universal qui débouchèrent sur un film maudit, mal vendu, échec commercial et surtout, monté et remonté, parvient cependant à être excellent, gothique en diable, bourré de qualités. En troisième film, Wan réalisé un scénario d’un autre, dans un genre complètement différent, à savoir le polar noir, un film de pure vengeance avec un Kevin Bacon qui se tranforme en justicier psychopathe dans l’excellent « Death sentence ». Aujourd’hui, Wan et Leigh Whannell reviennent pour un film d’épouvante conjuguant des éléments de la vieille école avec d’autres complètement inédits. Le résultat, c’est « Insidious », et James Wan était à Paris il y a quelques jours pour en parler...
On vous connait pour avoir été le réalisateur du premier « Saw », puis pour un thriller noir, « Death sentence », et beaucoup ignorent qu’entre les deux il y eut l’excellent « Dead silence ». Aujourd’hui, avec « Insidious », c’est un retour au genre ou c’est simplement varier d’un film sur l’autre ?
Hé bien, pour tout vous dire, j’adore l’horreur et l’épouvante. J’ai commencé par ce genre avec « Saw », mon second long était plus porté sur la peur que sur l’horreur et j’ai réalisé un pur polar de vengeance très violent, proche de l’horreur, avec « Death sentence ». Mais pour mon quatrième film, je souhaitais revenir au fantastique, et même à l’épouvante. Et qui pour moi, n’entre réellement dans aucun de mes deux premiers films : « Saw » est de l’horreur pure, quant à « Dead silence », il y a certes de la peur mais aussi beaucoup de gore. Là, je voulais faire un film complètement dirigé sur la terreur et avec Leigh, on cherchait une histoire liée aux maisons hantées. On avait déjà quelques idées là-dessus avant « Saw », et même sur le thème de la projection astrale. Et comme on voulait un film de maison hantée qui évite de retomber sur toutes les histoires déjà vues au cinéma, on s’est dit pourquoi ne pas mélanger les deux thèmes. En plus, on souhaitait absolument que cela ait l’air réaliste, que cela se rapproche d’histoires entendues dans une soirée très normale, et le thème de la projection astrale donnait plus de crédibilité à notre histoire, en plus d’études plus ou moins scientifiques avec le personnage du médium. De tout ça est né un scénario de film d’épouvante qu’on souhaitait voir au cinéma.
En même temps, on retrouve certains points communs avec « Dead silence » comme ces vieilles femmes spectrales, ce qui voudrait dire que certaines peurs vous obsèdent
Oui, c’est vrai. Mais en même temps, c’est normal que l’on remette dans ce qu’on crée des images liées à sa propre personnalité comme ces vieilles femmes abominables ou ces hideuses poupées aux yeux vides. Ca m’a toujours impressionné, certainement aussi suite aux vieilles histoires de fantômes que me lisaient mes grands-parents. La plupart des éléments que vous reprenez dans ce que vous créez est issu en partie d’une partie de votre psychologie...
En même temps, vous créez des choses qu’on n’a quasiment jamais vues et qui de ce fait suscitent une peur nouvelle comme le démon rouge, et là, j’avoue que son apparition m’a fait faire un sacré bond sur mon siège !
(Rires). Et pourtant... Bon, d’abord, je pense que chaque film doit avoir une image que je qualifierai d’iconique, à savoir qu’elle n’est pas rattachable à une autre histoire ou un autre film, on ne doit pas se rappeler l’avoir vue ailleurs. Et j’aime à penser que certaines images ne viennent que de « Saw » pour « Saw », et de « Insidious » pour ce qui est de ce démon, donc que c’est un élément de mon travail. En même temps, il faut qu’elle soit liée à quelque chose que l’on connait un peu pour qu’elle vous rappelle immédiatement quelque chose d’inquiétant, mais qui n’a jamais eu ce sens jusqu’à présent. Ce démon a une inspiration un peu biblique, avec une queue et une langue fourchue, mais en plus, il semble s’être maquillé pour être beau car autrement, il est une créature de cauchemar. Il y avait d’ailleurs une scène qui n’a plus figuré dans le film où on le voyait se maquiller. Et là, vous obtenez une image inédite qui de ce fait, marquera votre mémoire et vous renverra immédiatement à « Insidious ». En même temps, c’est si difficile de faire quelque chose de neuf, vous savez... Regardez tous ces films d’horreur actuels, ils se ressemblent, ils n’ont pas grand-chose qui les dissocie les uns des autres...
Beaucoup de jeunes cinéastes dans le genre se réfèrent à des grands cinéastes tels que John Carpenter, Tobe Hooper, George Romero... Aujourd’hui, une nouvelle vague de cinéastes d’horreur est née, comme Jaume Balaguero ou Christopher Smith, qui arrivent justement à renouveler certains thèmes. Avez-vous ce genre de références, ou d’autres qui vous aident dans vos propres projets ?
Pour être franc, oui, bien sûr, j’ai vu nombre de ces films devenus des classiques. Mais je ne crois pas avoir vu de films du cinéaste que vous citez... En même temps, pour moi, ce ne sont pas mes références premières. Non, moi, ce serait plutôt David Lynch...
Oui, mais Lynch, ce n’est pas de l’horreur pure, et parfois, c’est même trop bizarre, c’est du cinéma pour moi un peu « sauvage », où ne sait pas où on va aller d’une image à l’autre...
Exactement, exactement, et c’est ça que j’aime chez lui. Certains de ses films sont définitivement plus réussis que d’autres, mais au moins, il a une approche des choses dont je me sens proche. J’aime que le spectateur ne sache pas où je vais l’emmener. Beaucoup ont tenter de l’imiter mais très peu ont réussi. Et j’aime chez lui ce côté bizarre de la normalité, où d’une scène tout à fait banale, issu du quotidien, un monstre peut surgir...
Ce qu’il manque aujourd’hui, ce que je voudrais voir en tant que vrai fan du genre, c’est un film d’épouvante... Ultime, définitif, un film qui ne fait penser à aucun autre, un film qui utiliserait par exemple le jour comme lumière et non la nuit... Et pas un truc comme « Paranormal activity » qui veut vous faire croire à une peur complètement débile...
(Rires) Oui, je vois ce que vous voulez dire. Mais en même temps... Comme vous dites, nous autres, fans du genre, combien de film d’horreur et d’épouvante avons-nous vu ? Des centaines, voir plus. Et il y en a encore. Et pour certains, il est difficile de se faire connaitre. Il était plus facile de faire peur il y a trente, quarante ans, mais aujourd’hui ?... Par exemple, j’adore les vieux films de Polanski, un mélange de suspense et de terreur pure qui s’insinuait dans votre esprit au fur et à mesure que vous découvriez l’histoire. Quant à Hollywood, les films produits par le système sont devenus si... Ennuyeux, ils se ressemblent tous... Je ne sais pas, quel est pour vous le dernier film produit par une major qui vous ait fait peur, y’en a-t-il au moins ?
Oui, je pense au remake américain du premier « Ring », avec Naomi Watts : il est dérangeant, froid et donc parfois vraiment terrifiant... Mais uniquement ce remake de Gore Verbinski, je le préfère même largement à l’original...
Oui, oui, je vois très bien de quoi vous parlez, effectivement, c’est vrai, il sort un peu du moule de tous ces « scary movies »... Mais autrement, je pense sincèrement que c’est du côté du cinéma indépendant que les vrais films de terreur arrivent à se renouveler, ils ne sont pas contraints de respecter certaines données imposées par le studio. Si, il y en a un qui pour moi est réussi, c’est « Les autres » de Alejandro Amenabar... Ou si on veut encore plus un vrai film de studio, ceux de Shyamalan, les premiers, « Sixième sens », ou « Signes » que j’adore.
Justement, c’est avec des cinéastes comme vous que le genre peut se renouveler parce vous aimez l’horreur et l’épouvante, et ce même avec des sujets comme les thèmes de la maison hantée ou celui du bateau-fantôme. Par exemple, dernièrement, on en a eu un excellent, « Triangle » de Christopher Smith, un cinéaste britannique...
« Triangle », c’est le film avec Melissa George ? Oui, je l’ai vu, c’est excellent. Je suis d’accord avec vous, on aime ces genres, et on a plein d’idées mais en même temps, c’est facile de faire un film sans intérêt. Regardez « Saw », si il a marché c’est parce que, selon moi, l’histoire était bonne et surtout, il y avait ce twist final. Et même dans l’horreur, il faut ce genre de qualités à un scénario. L’horreur en soi peut très vite devenir ennuyeuse, trop de gore peut lasser. J’aime mes films, même « Dead silence » malgré ce qui lui est arrivé avec Universal, il y avait d’excellentes idées. Mon but aujourd’hui, c’est d’arriver à faire peur, à tenir le spectateur en intensité avec du suspense et de la terreur sans gore, de l’emmener dans une atmosphère qui va aller jusqu’au fond de sa pensée. Le vrai bon film de terreur, celui qui est réussi, c’est celui où on ne sait foutrement pas où on va aller au fur et à mesure qu’on rentre dans le film.
Propos recueillis et traduits par St. THIELLEMENT
Cliquez directement sur le lien ci-dessous pour lire la critique du film de James WAN :
http://www.sfmag.net/article.php3?id_article=9409