– Vraiment...le Japon...va être submergé come l’Atlantide ?
Cela fait quelques années que les hirondelles ne migrent plus au Japon. Des fissures apparaissent sur les murs. Des séismes secouent le territoire japonais et au large une île vient de disparaître dans les profondeurs de l’océan.
Ces indices annoncent une catastrophe naturelle de grande ampleur. L’archipel japonais est destiné à s’engloutir dans les flots.
Des scientifiques établissent que le cataclysme aura lieu à une date terriblement rapprochée. Conservant le secret le gouvernement japonais incite sa jeunesse à aller travailler à l’étranger, tout en achetant des terres hors du Japon. Les tremblements de terre, éruptions volcaniques et tsunamis se succèdent. Le Japon décide alors l’achat de vieux paquebots à travers le monde pour "loger les réfugiés".
Il s’agit de préserver le secret à tout prix et surtout de dissimuler les faits à "Océanisme mondial", une nouvelle secte s’intéressant aux données maritimes. Certains avancent que cet organisme dont le siège est en Grèce serait en fait une couverture pour l’US Navy. Réalité ou paranoïa ? Peu importe, la description des catastrophes et l’élaboration d’un plan d’évacuation de la population japonaise occupe tout le reste du roman.
En rédigeant ce livre Sakyo Komatsu a bénéficié d’une idée forte. Le succès a été au rendez-vous avec quatre millions d’exemplaires vendus au Japon et une adaptation cinématographique (1). On remarquera que le livre et le film sont sortis la même année en 1973. Il s’agit vraisemblablement d’une action concertée afin de bénéficier du cinquantenaire du séisme du Kanto qui frappa en 1923 (2). Signalons qu’à l’époque une rumeur s’est développée dans le reste du Japon que toute la région du Kanto avait été submergée.
Si l’idée de base est spectaculaire ( rayer une nation de la surface du globe !) on peut observer que son exploitation se révèle très moyenne. Un Américain se souvient du tremblement de terre de Tôkyô un demi-siècle auparavant (1923). L’action se déroule donc en 1973, l’année de la parution du livre. Cependant le texte mentionne des hologrammes. Or cet élément d’anticipation n’a aucune incidence sur le déroulement de l’action.
Plus grave les décisions de hauts responsables semblent pour le moins incohérentes. Ainsi un envoyé japonais se rend chez le premier ministre australien pour négocier l’installation de réfugiés japonais afin de...mettre le désert en valeur (?!). De même est annoncée une prochaine visite prometteuse en U.R.S.S.. Il est certain que ce pays " trouvera une solution pratique à ce problème comme il l’a fait pour des problèmes historiques de minorités". Peut-on parler d’inconscience ou de cynisme ? (3).
Auteur de science-fiction renommé au Japon (4) Sakyo Komatsu est récemment décédé (5). En France il n’est guère connu que par "La Submersion du Japon" (6) et le film "Virus" (7) tiré d’un autre de ses romans (non-traduit).
"La Submersion du japon" a peu à peu acquis un statut de légende. Cette opinion subjective ne résiste pas à une lecture du texte original qui permet de relativiser la qualité de cet ouvrage.
(1) "Nihon Chinbotsu" (1973) de Shirô Moritani & Andrew Meyer. Shinji Higuchi réalisa un remake en 2006
(2) 400000 morts et 2 millions de sans-abris
(3) la politique de l’Union Soviétique pour gérer ses minorités ethniques impliquait une "russification" forcée, des déportations massives et des famines organisées
(4) il obtint le Nihon SF Taisho Award 1985
(5) le 26 juillet 2011
(6) l’adaptation en manga est parue chez Panini
(7) "Virus" de Kinji Fukasaku
Damien Dhondt
Sakyo Komatsu _ La Submersion du Japon _ " Nippon Chinbotsu" (1973) _ Traduction : Shibata Matsumi _ Edition : Philippe Picquier, Poche n°128 _ janvier 2000 _ Réédition, poche, 256 pages _ 8 euros