Dans un pays d’Europe à priori tranquille - l’Italie ? -, les nouvelles que diffusent sans cesse les écrans de télévision sont pourtant catastrophiques. Une épidémie de peste d’une extrême virulence semble s’étendre à toute la planète. L’avenir de l’humanité est menacé. Ces évènements ne semblent pourtant pas troubler Dora (Anne Wiazemsky) et Cino (Marco Margine). Bientôt le couple quitte la ville en voiture. Un contrôle militaire, des cadavres que l’on brûle çà et là, leur rappellent vite la gravité de la situation. Mais ils repartent, munis de pilules pour lutter contre la maladie. Parvenus sur une île, ils s’installent dans des lieux encore riches de présence humaine : où sont passés les précédents occupants ? Dans cette enclave préservée, la vie reprend peu à peu ses droits mais Dora, cependant, refuse l’idée de faire un enfant. Arrive une mystérieuse voyageuse (Annie Girardot) qui s’immisce progressivement dans l’intimité du couple. La rivalité sourd vite entre les deux femmes. Un jour, l’étrangère cherche même à tuer Dora, mais c’est cette dernière qui a finalement le dessus. De rage, elle la découpe et la sert au dîner à son naïf compagnon. Le couple poursuit ainsi sa vie paradisiaque, profitant des bienfaits de la nature, jusqu’à ce qu’ils apprennent que la terrible épidémie est terminée. Cino voudrait rentrer sur le continent et reprendre ses activités de conservateur de musée ; Dora, qui a pris goût à cette vie sauvage, préfèrerait rester. Pour autant, elle ne veut toujours pas d’enfant. Un soir, Cino la drogue et l’insémine durant son sommeil. Lorsque, quelques mois plus tard, elle réalise qu’elle est enceinte, Dora sombre dans le désespoir ; au contraire de Cino qui exulte et danse de joie. Quand soudain, une bombe ensablée explose et les emporte tous deux...
Moins connu que « Le mari de la femme à barbe » (1964) et, bien sûr, que « La grande bouffe » (récompensé à Cannes en 1973), « La semence de l’homme » n’en est pas moins un film important dans la filmographie de Marco Ferreri. Avec une absence significative d’effets spéciaux - des montages d’archives de guerre y pallient -, Ferreri n’en campe pas moins le décor d’un monde en pleine déroute. Mais celui-ci est d’entrée de jeu nuancé par la dérision des dialogues, des costumes et du jeu de ses personnages. Les rôles féminins ont une intensité qui rend du même coup presque fade celui, déluré, de Cino. Car nous ne sommes pas ici au début mais à la fin des temps et l’homme n’est plus l’élément dominant de ce curieux couple édénique. Du reste, on retrouve ici la plupart des thèmes chers au cinéaste italien : le couple en crise, la citation anti-religieuse, le repas orgiaque ou l’île comme laboratoire de l’utopie - qu’il reprendra, plus de dix ans après, dans « Pipicacadodo ». Malgré un rythme assez lent, « La semence de l’homme » ménage la vision de quelques très beaux plans - comme ceux de la baleine échouée sur la plage et de la sculpture féminine en sable - tout à fait dignes du land-art. Une raison supplémentaire pour aller à sa (re)découverte.
Jacques LUCCHESI
Fiche technique
La semence de l’homme
Titre original : « Il seme dell’uomo »
Réalisateur : Marco Ferreri
Année de sortie : 1969
Durée : 113 minutes
Genre : science-fiction
Scénario : Sergio Bazzini